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Environnement

Bassin d’Arcachon : le Parc naturel marin critiqué pour sa gestion de l’eau et des pollutions

Bassin d’Arcachon : le Parc marin inefficace ? Qualité de l’eau en berne, ostréiculteurs en colère et SIBA contesté… enquête sur un Bassin maquillé.

Par Jacques FROISSANT
Publié il y a 2 oct.
7 min de lecture
Bassin d’Arcachon : le Parc naturel marin critiqué pour sa gestion de l’eau et des pollutions
Parc Naturel Marin Arcachon @Aqui.media

Un Parc naturel marin, ça sonne bien. Ça rassure. Ça fait joli dans les communiqués, les plaquettes touristiques et les discours d’élus en quête d’image verte. Le Bassin d’Arcachon a donc le sien, créé pour “protéger la lagune”, coordonner les usages et veiller sur cette eau dont dépend tout un territoire. La carte postale est impeccable. Les communications du Parc sont toujours positives autour des projets menés. Mais derrière des actions louables, la réalité, elle, l’est beaucoup moins.

Gouvernance du Parc marin : des élus juges et parties

Le conseil de gestion du Parc, 56 sièges au total. Sur ces fauteuils, près de la moitié occupés par des élus locaux : maires, intercommunalités, Département, Région. Ceux qui délivrent des permis de construire ou rêvent d’extensions portuaires sont aussi ceux qui doivent contrôler… leurs propres décisions. Un système où le régulateur est otage de ceux qu’il est censé surveiller. Conséquence : un Parc qui choisit le consensus mou plutôt que la confrontation.

Exemple en janvier 2025. A la demande du Syndicat intercommunal du Bassin d’Arcachon (SIBA), la Préfecture de Nouvelle-Aquitaine projette de modifier des arrêtés pour rendre légal le rejet des eaux pluviales et d’assainissement dans le milieu naturel. Le motif invoqué : il faut pallier la saturation du réseau d’eaux usées en cas de fortes pluies.

Vital Baude, conseiller régional écologiste, déclare alors : « Si le Parc naturel marin rend un avis favorable vendredi, ça signifiera sa mort cérébrale. Il en va de la santé de la population, de celle de l’ostréiculture et de la faune et la flore locales. » (Source : Écologistes Nouvelle-Aquitaine, 2024)

Et devinez quoi ? Le Parc naturel marin a voté pour un avis favorable à ce déversement des eaux usées dans le Bassin. Une décision dénoncée comme un "permis de polluer" par les associations environnementales et les ostréiculteurs. Devant le tollé général, la Préfecture l’a réduit à des situations exceptionnelles, sans toutefois les définir. 

Qualité de l’eau du Bassin d’Arcachon : le grand tabou

Pendant que le Parc distribue logos et affiches pédagogiques, la qualité de l’eau se dégrade. Les ostréiculteurs encaissent fermetures sanitaires et collectes perdues. Les pêcheurs parlent d’un “machin administratif” déconnecté. Les associations, elles, répètent la même litanie : eaux usées mal traitées, pesticides charriés par la Leyre, artificialisation des sols continue, réseau de traitement des eaux pas dimensionné pour la population actuelle et encore moins pour celle à venir. Sur ces points, silence radio ou mesures cosmétiques.

Thierry Lafon, ostréiculteur et président de la CEBA, brise l’omerta : « Ça fait des années qu’on est confronté à des problèmes de mortalité et de virus, mais parler de pollution et de qualité dégradée de l’eau du Bassin, c’est un vrai tabou… On ne peut pas faire l’autruche indéfiniment. » (Source : Le Monde, avril 2024)

La grande tricherie des eaux de baignade

Cet été, Aqui enfonçait le clou avec une enquête : “Eaux de baignade : la grande tricherie”. Les classements officiels reposent sur deux bactéries seulement, ignorent totalement les micropolluants chimiques, et lissent les résultats sur quatre ans. Les prélèvements sont trop espacés pour capter les pics de pollution après les orages. Et puisque les communes du Bassin risquaient une mauvaise note, elles se sont tout bonnement retirées du Pavillon Bleu. Pas de label, pas de problème. L’art de contourner la transparence.

Le SIBA et l’assainissement : un système juge et partie

Autre dossier sensible : l’assainissement. Ici, c’est le SIBA, Syndicat intercommunal du Bassin d’Arcachon, qui règne. Problème : il gère, exploite, contrôle et communique… sur ses propres activités. Les incidents sont rebaptisés “pannes isolées”, les audits indépendants inexistants, et l’information sur les contaminations ostréicoles arrive toujours trop tard.

Dans un autre article d’Aqui, “Eaux usées : le SIBA en question”, le constat est sans appel : le syndicat est à la fois le pompier et l’incendiaire. Et les élus qui dirigent le SIBA sont les mêmes qui siègent au Parc. Cercle fermé, cercle vicieux.

La colère monte

En début d'année une pétition citoyenne contre le déversement d’eaux usées dans la nature circulait. Signée par des habitants lassés des promesses, elle résume une exaspération qui enfle.

Les ostréiculteurs, eux, parlent cash. « Les gens nous en parlent toujours. Sur les marchés on a même des clients habituels qui n’achètent plus parce qu’ils ont peur. » « Si ça continue comme ça, certains ne vont pas survivre en attendant les aides. » « Une atteinte grave à l’avenir de l’ostréiculture et de la pêche, à la santé publique et à l’image. »

Biodiversité en danger malgré la communication idyllique

Les herbiers de zostères reculent, l’eutrophisation progresse, les mortalités d’huîtres se répètent. Les données d’Ifremer le montrent, année après année. Mais les institutions locales préfèrent maintenir l’image idyllique : affiches, animations, communication huilée. Sur le papier, tout est idyllique. Dans l’eau, ça se trouble.

Pendant ce temps, les élus de La Teste de Buch donnent cette semaine un avis favorable à l’aménagement d’un port à sec de 350 places. Un des plus grands de France. Histoire d’avoir encore plus de bateaux sur le Bassin d’Arcachon ? Il n’y a aucune vision de ce que pourrait être la plaisance de demain sur le Bassin à part les bateaux cela crée de l’emploi. 

Un Parc de façade ou un garde-fou réel ?

Le Bassin est fragile, unique, vital. Mais il est déjà abimé. Il mérite un Parc naturel marin capable de contraindre, pas seulement de communiquer. Voici quelques pistes pour améliorer la situation :

  • Indépendance des décideurs : Moins d’élus qui s’auto-surveillent sous prétexte qu’ils financent, plus d’indépendants à la table.
  • Transparence et données : Des données publiées en open data, brutes et sans filtre.
  • Sanctions effectives : Des sanctions réelles, y compris contre les collectivités fautives.

Tant que le Parc restera une jolie vitrine politique, il ne protégera rien. Ici, tout le monde le sait, mais peu osent le dire haut et fort. Les citoyens, eux, ne se contenteront plus de promesses : ils veulent des huîtres saines, des plages vraiment propres et un avenir respirable. Sinon, le Parc marin d’Arcachon restera ce qu’il est aujourd’hui : une belle affiche collée sur des eaux de plus en plus troubles.

Le Bassin d’Arcachon mérite mieux qu’une institution sans pouvoir !


FAQ Parc naturel du Bassin d'Arcachon

Qui contrôle la qualité de l’eau du Bassin d’Arcachon ?

Les mesures officielles proviennent d’agences publiques (ARS, Ifremer) et des collectivités. Le Parc naturel marin publie des synthèses, mais les audits indépendants restent rares. D’où les critiques sur la transparence et la fréquence des contrôles.

Pourquoi les ostréiculteurs critiquent-ils le Parc naturel marin ?

Fermetures sanitaires, ventes en berne et communication jugée trop “cosmétique”. Beaucoup estiment que le Parc ne pèse pas assez face aux rejets d’eaux usées, à l’urbanisation et aux décisions politiques locales qui impactent directement la qualité de l’eau.

Quel rôle joue le SIBA dans l’assainissement du Bassin ?

Le SIBA conçoit, exploite et communique sur l’assainissement. Ce cumul des rôles alimente des soupçons de « juge et partie ». Les opposants demandent des audits externes, des données brutes en open data et des protocoles clairs lors d’épisodes pluvieux.

Quel est le périmètre du Parc naturel marin du Bassin d’Arcachon ?

Le Parc couvre l’ensemble du plan d’eau du Bassin d’Arcachon, ses passes océanes, ses zones conchylicoles et de pêche, ainsi que les herbiers et estrans. Il s’étend sur environ 435 km² et intègre aussi les dunes et zones littorales en interaction directe avec le milieu marin.