Bassin d’Arcachon : le Conseil d’État fait tomber le bouclier juridique du SIBA et des maires
Le Conseil d’État stoppe l’arrêté qui permettait au SIBA de rejeter des eaux usées dans le Bassin. Une décision qui expose au grand jour les responsabilités politiques et la fragilité d’un écosystème déjà saturé.

Le Conseil d’État confirme la suspension de l’arrêté préfectoral qui autorisait le rejet d’eaux usées dans le Bassin en cas de saturation. Une victoire judiciaire pour les associations, mais surtout un sérieux revers pour le SIBA et les maires qui y siègent, accusés d’avoir voulu s’offrir une immunité pénale sur un dossier explosif.
Rejet d’eaux usées du Bassin d'Arcachon : un rappel à l’ordre venu du sommet
Le dossier avait commencé dans une relative discrétion. À la demande du SIBA, la préfecture avait signé un arrêté autorisant le rejet d’eaux usées dans le milieu naturel « en cas de saturation ». Une formulation floue, taillée pour être déclenchée lors d’épisodes pluvieux, de pics touristiques ou de défaillances techniques.
Un “permis de déverser” que les associations dénonçaient depuis des mois, rappelant la fragilité unique du Bassin, ses zones conchylicoles et les alertes sanitaires à répétition.
La haute juridiction administrative vient d’y mettre fin. Le Conseil d’État a confirmé la suspension de l’arrêté préfectoral, estimant que les risques environnementaux et sanitaires étaient insuffisamment évalués, et que le texte ne reposait pas sur une étude d’impact digne de ce nom. Elle a donc estimé que estimé que ces rejets présentaient un risque grave pour un écosystème semi-fermé comme le Bassin d’Arcachon.
Pour les associations, c’est une victoire nette. Mais l’affaire va bien au-delà d’un débat technique sur les capacités d’assainissement. Elle touche au cœur de ce que personne ne veut dire trop fort : la question des responsabilités politiques et pénales.
Les Sentinelles du Bassin dénoncent un arrêté taillé pour protéger les élus
La réaction n’a pas tardé. L’association Les Sentinelles du Bassin a salué une décision « attendue », tout en rappelant la responsabilité des élus :
« Les associations environnementales qui se sont battues ont gagné ! Le Conseil d’État rejette l’arrêté préfectoral qui autorisait le rejet des eaux usées dans le Bassin en cas de saturation. Cet arrêté inacceptable avait été pris à la demande du SIBA et donc des maires qui y siègent tous, leur permettant ainsi d’échapper à leur responsabilité pénale. »
La phrase est directe. Mais elle met en lumière ce que beaucoup pensaient tout bas : l’arrêté n’était pas seulement une décision technique. C’était aussi une manière de sécuriser juridiquement les élus en cas de pollution avérée.
Cet argument, récurrent dans les débats locaux, devient désormais central. Le rappel du Conseil d’État renvoie le SIBA et les communes à leur rôle réel : garants d’un système d’assainissement souvent saturé, parfois défaillant, et dont les limites sont connues depuis longtemps.
Le SIBA : un système sans contre-pouvoir
Ce n’est pas la première fois que la gouvernance de l’eau sur le Bassin pose question. AQUI avait déjà documenté en détail le fonctionnement du SIBA, qui cumule quatre rôles rarement conciliables : concepteur, exploitant, contrôleur et communicant du système d’assainissement. Une situation unique en France, où aucune autorité technique indépendante ne vient vérifier la fiabilité des installations ou des décisions.
Dans d’autres articles, AQUI avait également mis en cause l’avis favorable du Parc naturel marin sur ces mêmes rejets, malgré l’opposition d’ostréiculteurs et de plusieurs élus régionaux. Le terme de “permis de polluer”, largement utilisé sur le terrain, ne sortait pas de nulle part.
La décision du Conseil d’État vient donc s’inscrire dans un paysage déjà fissuré : non seulement les infrastructures sont sous tension, mais le système de décision lui-même apparaît fragilisé.
Bassin d’Arcachon : un écosystème incapable d’absorber des rejets supplémentaires
Le Bassin n’est pas une zone industrielle (quoiqu'il y a des moments on se demande...). C’est une zone nurserie, un écosystème fermé, et le cœur d’une filière ostréicole de plus de 3 000 emplois.
Les épisodes de contamination bactérienne de ces dernières années ont déjà entraîné des fermetures partielles, des pertes économiques et une perte de confiance du public.
Le risque avec l’arrêté suspendu était clair : autoriser des rejets même partiels dans un milieu semi-fermé, sensible, soumis à la marée mais limité dans sa capacité d’auto-dépollution.
Les associations, les scientifiques et les professionnels le rappelaient : dans le Bassin, un “rejet exceptionnel” n’est jamais neutre.
Après la décision du Conseil d’État, un dossier explosif au pire moment politique
An ce début de campagne des élections municipales, le SIBA est désormais face à un double défi. D’un côté, il doit gérer une saison touristique en croissance, une urbanisation continue, des réseaux vieillissants et des pics de saturation prévisibles. De l’autre, il ne peut plus compter sur un dispositif réglementaire qui, de fait, lui permettait d’éviter des responsabilités lourdes en cas de pollution.
La préfecture devra valider un cadre légal conforme au droit et aux exigences environnementales. Les élus devront répondre aux inquiétudes d’une population qui ne croit plus aux discours de façade. Les associations, galvanisées par cette décision, promettent déjà de rester vigilantes.
Le Bassin entre dans une nouvelle phase : celle où il devient impossible de bricoler des solutions temporaires pour éviter le pire.
La décision du Conseil d’État ne règle rien sur le fond, mais elle oblige enfin chacun à regarder le problème dans les yeux.
Ce qui suit sera décisif. Pour l’eau. Pour la filière ostréicole. Pour la confiance publique. Et surtout pour la responsabilité des élus.

FAQ
Pourquoi le Conseil d’État a suspendu l’arrêté préfectoral ?
La haute juridiction estime que les risques environnementaux et sanitaires étaient sous-évalués, faute d’une étude d’impact solide. Les rejets auraient pu affecter un écosystème semi-fermé comme le Bassin.
Le SIBA peut-il toujours autoriser des rejets d’eaux usées ?
Non. L’arrêté préfectoral suspendu constituait le seul fondement légal permettant ces rejets en cas de saturation. La préfecture doit désormais revoir complètement le cadre juridique.
Quels sont les risques pour le Bassin d’Arcachon ?
Le Bassin supporte déjà des niveaux élevés de traitement en été, jusqu’à 50 000 m³ par jour. Toute dérogation supplémentaire menace la filière ostréicole et l’équilibre écologique du milieu.
Quelles conséquences pour les maires siégeant au SIBA ?
La décision supprime un dispositif qui réduisait leur exposition pénale en cas de pollution. Ils devront désormais assumer pleinement leur rôle de garants du système d’assainissement.
Sources
- Tribunal administratif de Bordeaux, décision de référé suspendant les arrêtés préfectoraux autorisant le rejet d’eaux usées non traitées, 21 mai 2025
- Conseil d’État, confirmation de la suspension de l’arrêté préfectoral sur les rejets d’eaux usées dans le Bassin d’Arcachon, décision citée par Sud Ouest, 26 novembre 2025.
- Eaux usées du Bassin d’Arcachon : le SIBA en question
https://www.aqui.media/article/eaux-usees-du-bassin-darcachon-le-siba-en-question - Bassin d’Arcachon : le Parc naturel marin critiqué pour sa gestion de l’eau
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Mots-clés :
Par Jacques FROISSANT
Directeur de la publication
Bordelais, œnologue, tout allait bien… jusqu’à ce que je dérape dans l’entrepreneuriat RH pour les startups. 😉 Auteur et chroniqueur (L’Express, FrenchWeb, France 3 NOA...), je suis aujourd’hui cofondateur et rédacteur en chef d’AQUI.Media
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