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Économie

Le littoral aquitain, champion des locations Airbnb

De la côte basque à la Dordogne, la Nouvelle-Aquitaine domine Airbnb. Derrière les records de nuitées, une fracture s’installe : stations saturées, villages réanimés. Terram dévoile la carte d’un modèle à la fois moteur économique et casse-tête territorial.

Par Jacques FROISSANT
Publié il y a 5 nov.
4 min de lecture
Le littoral aquitain, champion des locations Airbnb

En dix ans, la Nouvelle-Aquitaine a vu exploser, comme beaucoup de régions, l'offre de locations saisonnières Airbnb.
La très intéressante étude Tourisme 2.0 : anatomie de la France Airbnb, signée par l’Institut Terram (octobre 2025), confirme ce que les habitants constatent déjà. La région et en particulier le littoral aquitain est un des champions européens d’Airbnb.
Mais si la surchauffe inquiète du côté du Bassin d'Arcachon ou du Pays basque, elle génère aussi des effets inattendus et parfois positifs dans les petites communes rurales.

La Nouvelle-Aquitaine au cœur du raz-de-marée

Les chiffres donnent le vertige. L'étude Terram a eu accès pour la première fois aux données réelles fournies par Airbnb. En France, 81 % des communes accueillent désormais au moins une offre Airbnb. Le nombre de nuitées sur les plateformes (Airbnb, Booking, Abritel…) a plus que doublé entre 2018 et 2024, atteignant 192,4 millions. Un Français sur deux a déjà réservé via Airbnb. Et 70 % des familles affirment que sans ces locations, partir en vacances leur coûterait trop cher.

Mais nulle part ailleurs la plateforme n’est aussi présente qu’en Nouvelle-Aquitaine. De Soulac-sur-Mer à Hendaye, les communes littorales dépassent souvent les 5 000 nuitées pour 1 000 habitants.
À Moliets-et-Maa (Landes), Terram recense 70 676 nuitées pour 1 000 habitants. À Lacanau (Gironde), 43 542. Des ratios sans équivalent en France, qui placent la côte aquitaine parmi les plus “Airbnbisées” d’Europe.

Sur la façade charentaise, La Rochelle, l’Île de Ré et l’Île d’Oléron voient également s’envoler l’offre de meublés touristiques, renforçant la pression sur les marchés immobiliers locaux déjà sous tension.

Un modèle qui profite aussi aux petites communes

L’étude Terram nuance pourtant le tableau : dans les villes et villages de 1 000 à 3 000 habitants, la présence d’Airbnb s’accompagne d’une vitalité locale accrue.
Les bourgs sans offre recensent en moyenne 3,5 commerces ou services de base ; ceux dépassant 10 000 nuitées annuelles en comptent 7, et plus de 10 commerces au-delà de 20 000 nuitées. Dans ces territoires où l’hôtellerie traditionnelle est rare, le tourisme de plateforme joue le rôle d’amortisseur économique. Les recettes issues de la taxe de séjour (218 M€ reversés en 2024, +16 %) soutiennent directement les communes rurales, souvent sans alternative touristique.

Si Airbnb déstabilise Bordeaux, Biarritz ou Arcachon, il redonne un souffle à certains villages. Attention toutefois aux équilibres à ne pas dépasser. Nous en parlions dans notre article AQUI sur la marée des résidences secondaires autour du bassin d'Arcachon.

Dordogne, Lot et Angoulême : l’arrière-pays cartonne aussi

Le phénomène dépasse le littoral. Dans le triangle Lascaux–Sarlat–Bergerac, 60 communes dépassent les 5 000 nuitées par 1 000 habitants, faisant de la Dordogne un cas d’école du “tourisme vert Airbnb”.
Même constat dans le Lot, à Rocamadour ou Saint-Cirq-Lapopie, où la location courte durée soutient gîtes et commerces.
Et à Angoulême, le Festival international de la bande dessinée provoque chaque année une explosion : 4 000 nuitées hebdomadaires en ville et jusqu’à 15 km autour.

Côte saturée, arrière-pays sous oxygène

Cette double lecture est essentielle.
Sur le littoral girondin et basque, la surenchère immobilière et la tension sur le logement permanent deviennent explosives. La Teste-de-Buch et Arcachon vont limiter à 90 jours/an la location d’une résidence principale, mais la mesure est jugée symbolique mais insuffisante.
Et sur la côte atlantique, AQUI notait que les maires de Royan, Oléron ou Saint-Jean-de-Luz se battent désormais pour freiner la vague des résidences secondaires.

Dans les bourgs du Périgord, du Haut-Agenais ou du Confolentais, à l’inverse, Airbnb permet de maintenir des commerces, d’attirer des visiteurs hors saison et de compléter les revenus.
Le modèle n’est donc pas univoque : destructeur sur le littoral, vital ailleurs.

Vers un “tourisme d’équilibre” ?

L’Institut Terram ne tranche pas : il invite à une régulation différenciée. Encadrer strictement dans les zones tendues, mais encourager l’accueil dans les zones rurales.

“L’avenir du tourisme, devenu numérique en grande majorité, dépendra de la capacité des territoires à articuler droit au départ, équilibre résidentiel et vitalité économique locale”, conclut l’étude.

Ce n’est pas Airbnb qu’il faut diaboliser, mais le déséquilibre qu'il peut provoquer.
Sur la côte, il grignote la vie locale; dans l’arrière-pays, il la réanime.
Et c’est toute la subtilité du “champion Airbnb” aquitain : un modèle à la fois source de tension et levier de résilience.


Sources et références

  • Institut Terram – Étude “Tourisme 2.0 : anatomie de la France Airbnb”
    Jérôme Fourquet, Sylvain Manternach et Chloé Tegny, octobre 2025
    👉 Télécharger l’étude (PDF)
    Source officielle des chiffres nationaux et régionaux sur la diffusion d’Airbnb, les volumes de nuitées et la vitalité économique locale.
  • AQUI.Media – “Arcachon et La Teste : 90 jours pour Airbnb, et toujours la marée des résidences secondaires”
    31 octobre 2025
    Lire l’article
  • AQUI.Media – “Royan, Oléron, Pays basque : ces maires qui ont déclaré la guerre aux résidences secondaires”
    21 octobre 2025
    Lire l’article
JA

Par Jacques FROISSANT

Directeur de la publication

Bordelais, oenologue, tout allait bien… jusqu’à ce que je dérape dans l’entrepreneuriat RH pour les startups. 😉 Ma passion pour l’écriture m’a rattrapé : je suis aujourd’hui cofondateur et rédacteur en chef d’AQUI.Media.

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