Arcachon et La Teste : 90 jours pour Airbnb, et toujours la marée des résidences secondaires
Arcachon et La Teste veulent limiter Airbnb à 90 jours. Une mesure symbolique qui ne change rien à la marée des résidences secondaires : le Bassin s’asphyxie, les habitants permanents s’éloignent, et les services essentiels manquent de bras.
Les maires d’Arcachon et de La Teste-de-Buch veulent agir contre la prolifération des locations saisonnières. Leur solution : limiter à 90 jours par an la location d’une résidence principale. Sur le papier, c’est vertueux. Dans la réalité, c’est une mesure incomplète, mal ciblée et, surtout, déconnectée du vrai problème.
Un littoral saturé par les résidences secondaires
Le Bassin d’Arcachon n’échappe plus à la spirale que connaît tout le littoral atlantique. Les locations touristiques ont grignoté le parc de logements permanents. Les prix flambent. Les habitants à l’année, en particulier les jeunes et les actifs, ne trouvent plus à se loger.
À Lège-Cap-Ferret, 64 % des logements sont déjà des résidences secondaires. À Arcachon, 62 % des logements échappent à l’habitat permanent. La Teste-de-Buch résiste un peu avec 32 %, mais la tendance est la même. Andernos et Arès dépassent 30 %, Gujan-Mestras se rapproche de la barre des 20 %, seuil d’alerte.
Dans son enquête du 21 octobre 2025, AQUI.Media titrait : « Royan, Oléron, Pays basque : ces maires qui ont déclaré la guerre aux résidences secondaires. »
L’article montrait comment certaines communes du littoral — Royan, Saint-Pierre d’Oléron, Guéthary — ont franchi le pas : compensation obligatoire, interdiction des résidences secondaires neuves, quotas de meublés touristiques.
Arcachon et La Teste annoncent une régulation… mais s’arrêtent à mi-chemin.
Le “90 jours” expliqué : une fausse bonne idée
Depuis la loi Le Meur du 19 novembre 2024, les communes peuvent réduire de 120 à 90 jours par an la durée maximale de location d’une résidence principale sur Airbnb ou autre plateforme.
Limiter à 90 jours peut sembler cohérent. Mais le problème, sur le Bassin, ne vient pas des résidences principales : il vient des résidences secondaires louées toute l’année.
La loi ne les concerne pas. Pour celles-ci, le propriétaire doit obtenir une autorisation de changement d’usage ; une fois accordée, rien ne l’empêche de louer 365 jours.
Autrement dit, Arcachon et La Teste-de-Buch s’attaquent à une minorité vertueuse — les habitants qui louent ponctuellement leur logement — et laissent intacts les investisseurs multi-biens transformant le littoral en marché locatif permanent.
Pourtant, l’arsenal existe déjà : quotas, compensations, servitudes “résidence principale”, surtaxes.
Une mesure sans contrôle réel
Limiter à 90 jours suppose de compter les nuitées et de sanctionner les dépassements. Mais qui s’en charge ?
Pas la DGFiP : le fisc reçoit bien les revenus via DAC7, mais ne vérifie pas le nombre de jours loués. Ce sont les communes qui doivent contrôler l’usage et la durée (résidence principale ou secondaire).
La Teste-de-Buch a déjà instauré un numéro d’enregistrement obligatoire. Bien. Encore faut-il croiser ces numéros avec les données des plateformes, suivre les nuitées et verbaliser. La loi oblige d’ailleurs les plateformes à bloquer automatiquement une résidence principale à 120 nuits et à fournir le décompte à la mairie qui le demande. Mais encore faut-il une cellule municipale outillée pour l’exploiter.
À Paris, c’est possible : registre, équipe dédiée, sanctions jusqu’à 50 000 € par logement. Sur le Bassin, aucune structure comparable. Les impôts suivent les revenus ; la mairie devrait suivre les jours. Sans moyens, le “90 jours” restera un vœu pieux.
Résidences secondaires : le cœur du problème reste intact
Arcachon et La Teste vivent une crise de l’usage. Le problème n’est pas la location occasionnelle : c’est la transformation du logement en actif spéculatif.
Ailleurs, des communes ont choisi la méthode dure : PLU révisé, quotas de meublés, surtaxation des résidences secondaires, contrôles automatisés des plateformes. Voir la Boîte à outils des maires du littoral publiée par AQUI.Media dans un récent article.
Ici, on reste au stade de l’annonce, sans stratégie commune à l’image du Pays Basque, ni moyens dédiés. Les logements continuent de disparaître, les habitants permanents s’éloignent du littoral, et le Bassin se vide hors saison. À terme, la pénurie menace de se répercuter sur les services essentiels : difficile de loger les personnels de santé, les enseignants, ou les salariés de l’hôtellerie-restauration qui font pourtant vivre le territoire toute l’année.
Une annonce politique, pas une politique publique
Arcachon votera sa délibération le 5 novembre. La Teste-de-Buch devrait suivre d’ici la fin de l’année. Les communiqués parleront de “préserver l’équilibre local” et de “lutter contre la spéculation”. Mais sans dispositifs complémentaires, l’effet restera symbolique.
Sur le Bassin, cette équation n’est toujours pas résolue. Si Arcachon et La Teste veulent vraiment protéger leur territoire, elles devraient regarder Royan, Oléron ou la CAPB : des règles claires, contraignantes et assumées.
“Il faut un choix politique fort, pas des demi-mesures, martèle un commerçant testerin. Défendre ceux qui y vivent, pas ceux qui y passent.”
Mots-clés :
Par Jacques FROISSANT
Directeur de la publication
Bordelais, œnologue, tout allait bien… jusqu’à ce que je dérape dans l’entrepreneuriat RH pour les startups. 😉 Auteur et chroniqueur (L’Express, FrenchWeb, France 3 NOA...), je suis aujourd’hui cofondateur et rédacteur en chef d’AQUI.Media
Articles similaires

Municipales 2026 à Bordeaux : sept stratégies, zéro campagne de fond
À Bordeaux, la campagne municipale 2026 se résume pour l’instant à une guerre de stratégies et d’ego...
Xavier Niel (Free) désormais plus gros propriétaire du Cap-Ferret ?
Villa à 17,5 M€, Rotonde à 3 M€, terrain du Four adjugé 12,2 M€ : Xavier Niel et Delphine Arnault em...
Statut de l’élu local : une réforme vitrine qui laisse les maires en première ligne
Promis depuis quarante ans, le statut de l’élu local arrive enfin. Mais derrière l’annonce, la loi é...
TER Limoges–Angoulême : 2027 peut-il enfin briser l’enclavement du Limousin ?
La Région promet la réouverture du TER Limoges–Angoulême d’ici 2027. Un pari risqué pour un Limousin...

Le Comptoir du Marché : l’esprit gourmand des Halles de Talence
Au coeur des Halles de Talence, le Comptoir du Marché cultive l’art du fait maison dans une atmosphè...

Biarritz 2026 : Blanco officialise sa candidature, AQUI l’avait annoncé
Serge Blanco sera bien candidat à la mairie de Biarritz en 2026. Une confirmation que AQUI.Media ava...