Samia Dahmouni, la détermination chevillée au corps
"Machine de guerre"... Les qualificatifs ne manquent pas pour définir Samia Dahmouni, à la tête de Cyclezen, devenu en 12 mois une véritable PME... Portrait (trop ?) intimiste.

Ne vous fiez pas aux apparences, derrière cette femme toujours habillée et cet accent du Sud-Est se cache une entrepreneure née, bourreau de travail, qui met depuis 12 mois les 20 années de frustration de ne pas avoir pu se lancer avant au service de Cyclezen.
Il y a chez Samia Dahmouni un mélange rare d’énergie, de précision et de douceur. Rien d’ostentatoire : une parole droite, une présence calme, et cette façon de regarder les choses en face, de les comprendre vite, puis d’avancer. Son histoire n’est pas une ligne droite : c’est une ascension sur un chemin de crête que d’aucun qualifieraient de transclasse, sans réseaux ni « codes », qui s’est construite seule pas à pas, en apprenant à ouvrir des portes qui ne lui étaient pas destinées.
Les racines modestes, la Méditerranée en boussole
Béziers, puis Montpellier. Un père arrivé jeune en France, ouvrier, chauffeur poids lourd, la culture du travail chevillée au corps ; une mère qui interrompt des études de comptabilité pour élever les siens. À la maison, pas d’anciens élèves de grandes écoles, pas de carnets d’adresses. Samia grandit loin des codes des milieux qui décident. Elle avance « à vue » poussée par son père qui la rêve pharmacienne, avec une boussole : le mérite, la persévérance, la nature — la mer à quinze minutes, horizon simple et puissant qu’elle cherchera toujours. Et aussi, surtout, dans ses carnets, toutes ses idées de création d’entreprises… Déjà…
Paris, l’apprentissage des codes… et des jugements
Après les études, elle « monte » à Paris. On lui a vendu l’Eldorado ; elle découvre les cercles fermés, les règles tacites, les rendez-vous qui s’obtiennent à coups d’introductions. Elle travaille dans un média du bâtiment côté digital et commercial, progresse, se déplace, apprend beaucoup. Mais elle sent aussi ce que le monde renvoie à une femme non conforme à l’attendu : affirmée, visible, avec un accent du Sud-Est qu’elle s’efforce d’atténuer, et une ambition franche. On la catégorise, on sous-estime parfois cette volonté qu’on juge « trop » pour une femme. Cette épreuve affine son cap : comprendre et maitriser les codes sans s’y dissoudre.
L’Atlantique comme ancrage, l’autonomie comme méthode
Il y a dix ans, elle quitte Paris pour la Gironde. D’abord Villenave-d’Ornon, puis le Bassin d’Arcachon : se rapprocher de l’océan.. À Bordeaux, elle reprend des études en web-marketing, se forme à la donnée et aux produits, monte seule une activité de conseil pour digitaliser des TPE-PME : toucher l’entrepreneuriat du doigt. Puis un incubateur : référente technique après la formation du Wagon, elle aide des porteurs de projet à bâtir leurs MVP. Dans les coulisses, elle assemble ses propres briques : produit, data, vente, recrutement. Sans mentor naturel ni héritage professionnel, elle fabrique son propre mode d’emploi. Apprendre, toujours.
La faille et la force : deuil, football, et la transmission
Le deuil la frappe : elle perd son père. Elle se retire du tumulte, coupe avec l’hyper-pro, s’engage bénévolement dans le football, passe un diplôme d’éducatrice, coache une équipe de garçons en régional. Geste de transmission — son père était éducateur — et exercice de courage dans un milieu qui ne facilite pas la place des femmes. Là encore, elle brise des plafonds, confirme une constante : si la porte n’existe pas, elle la construit.
Le déclic Cyclezen : une plage, des déchets, une idée
Product Owner chez VIJI (startup de traçabilité textile), elle est licenciée en janvier 2024 après un changement de gouvernance. Deux jours plus tard, elle part surfer. Sur la plage, des déchets nombreux, jusqu’aux emballages de protections périodiques. Elle note, enquête : lois, marché, alternatives. Mi-février, elle ouvre le chantier : réduire à la source les déchets menstruels, améliorer le bien-être des femmes au travail, préparer une filière de valorisation. Cyclezen naît de cette lucidité : joindre utilité sociale et valoriser ses 20 années à apprendre à devenir cette entrepreureure qui ferait la fierté de son clan.
La gouvernance comme ligne de conduite
Contrairement à beaucoup d’entrepreneurs qui s’entourent par hasard ou par opportunité, souvent tard, Samia choisit très tôt ses alliés avec une lucidité rare. Elle ne cherche pas des noms prestigieux pour « cocher des cases », mais des personnes capables d’apporter de la valeur, de la sincérité et de l’exigence.
Ainsi est arrivé Antoine Darcet, entrepreneur chevronné et pionnier, rencontré lors d’un pitch, séduit par sa détermination, puis engagé à ses côtés en tant qu'investisseur, qui a vraiment permis le décollage de la société et l'accompagne au quotidien. La rencontre la plus décisive fut sans doute celle avec Fiona Fauvel. Une parité parfaite, des rôles distincts.
J'aurais pu le faire seule mais je pense que j'aurais mis deux années de plus et sincèrement je pense que je me serais tuée à la tâche; c'est vraiment important d'avoir des gens de ce calibre à l'intérieur, au coeur du réacteur...
Fiona Fauvel, le coup de foudre professionnel
Samia la voit d’abord sur scène, lors d’un événement. Fiona incarne à ses yeux une réussite féminine solide et discrète, avec plus de dix ans d’expérience entrepreneuriale. Ce jour-là, Samia se dit : « Si elle a osé, alors je dois le faire ». Un déclic intime, un modèle immédiat.
Quelques mois plus tard, les deux femmes échangent pour la première fois vraiment. Samia lui confie, avec émotion, que sa prise de parole avait déclenché son passage à l’acte. Fiona, touchée par cette sincérité, lui répond sans détour : « Est-ce que tu veux que je t’accompagne ? ».
Un coup de foudre professionnel mutuel. Pour Samia, c’est un moment d’incrédulité : une entrepreneure qu’elle admire propose spontanément de marcher à ses côtés. Pour Fiona, c’est la reconnaissance d’une énergie et d’une vision dans lesquelles elle se reconnaît, l’envie de transmettre à une « petite sœur d’ambition ».
Depuis, leur lien dépasse le simple accompagnement. Fiona, devenue une Operating Partner, est une présence capable de déceler à la seule intonation de la voix de Samia si quelque chose ne va pas. Ensemble, elles partagent cette alliance rare, faite de respect, de complémentarité et d’une bienveillance exigeante.
Cyclezen aujourd’hui : la preuve par l’action
En à peine 12 mois, Cyclezen n’est plus une idée : premiers distributeurs installés, premiers clients (Domofrance, Adopt Parfums), chiffre d’affaires engagé ; déploiements en Nouvelle-Aquitaine, à Paris et jusqu’à l’usine d’Adopt à Château-Renard, "sky is the limit !". L’équipe s’étoffe : recrutement marketing en juin, une commerciale arrive, sa sœur a rejoint l’aventure comme associée puis salariée pour tenir l’opérationnel. Cap 2025 : 50 clients, 100 à 150 distributeurs, et cadrage de la filière de valorisation pour des pilotes de collecte dès 2026 — tout en restant focalisé sur la mission : le bien-être menstruel des salariés dans les établissements publics et privés.
Cyclezen, une entreprise à hauteur de femmes (et du réel)
Cyclezen mêle utilité concrète et discipline commerciale : des solutions simples, dignes et accessibles pour le bien-être menstruel au travail, et une trajectoire claire vers la réduction des déchets puis leur valorisation. La « tech », ici, est une méthode : observer, itérer, mesurer, déployer.
Samia avance avec l’océan en ligne d’horizon et la Méditerranée en mémoire. Autodidacte des codes, elle a transformé les jugements d’apparence en énergie de construction. Cyclezen, c’est ce tempo : humain, précis, tenace. Une entreprise utile, portée par une femme. Simplement.
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