Dax-las sur Landes : démission du Président de l'US Dax après 8 semaines de chaos et une AG agitée
Huit semaines de chaos à l’US Dax (Pro D2) : gouvernance ingouvernable, budget fictif, tension avec l’A2R, sanction de 12 points, actionnaires sous pression. Dans les Landes, le rugby pro ressemble soudain à une entreprise en crise.

US Dax « Ton univers impitoyable » n’aura jamais aussi bien exprimé un contexte que celui vécu dans la petite ville thermale de Dax. Plongée dans huit semaines de rebondissements, au moment même où s’ouvre, au stade Maurice-Boyau, l’Assemblée Générale des actionnaires de l’US Dax, club de Pro D2 secoué par une crise de gouvernance sans précédent.
Spoiler.
Le président, Benjamin Gufflet, désavoué en début d’après-midi par ses actionnaires, va démissionner en séance. Son communiqué de presse explique :
« Mes activités professionnelles et mes problématiques personnelles actuelles m’ont trop souvent empêché d’être plus présent et plus vigilant dans la gestion quotidienne du Club. Ce qui fait clairement défaut aujourd’hui. Je m’en excuse. »
À moins que… Reprenons depuis le début.
Octobre 2025 : premières fissures dans la gouvernance de l’US Dax
Octobre 2025. Benjamin Gufflet, le président du club US Dax, fait entrer au Conseil d’administration deux administrateurs indépendants. Une première dans l’histoire d’un club qui, jusqu’ici, accueillait essentiellement des actionnaires-investisseurs locaux.
La raison est simple : une fronde des actionnaires contre la gestion du club. Elle aboutit à la démission de trois membres du board, après un avertissement du gendarme du rugby professionnel et une pénalité de cinq points au classement.
Déstabilisée, cette PME d’une cinquantaine de salariés, dont près de trente joueurs professionnels, affichant environ 7 M€ de chiffre d’affaires, est désormais surveillée comme le lait sur le feu par l’A2R.
Une gouvernance locale devenue ingouvernable
Mais à bien y regarder, la crise est plus profonde. Une ribambelle d’actionnaires minoritaires, tous guidés par un amour sincère de leur club, le plaisir des matchs du vendredi et la fierté d’une ville de 25 000 habitants. Beaucoup moins par la lucidité attendue d’actionnaires responsables.
Résultat : un président minoritaire qui tente de composer avec des courants locaux. Une gouvernance devenue, de fait, ingouvernable.
La structure de l'US Dax elle-même est bancale. Un directeur général qui n’est qu’un consultant. Des administrateurs qui ne se parlent presque pas. Une équipe sportive braquée contre un président absent, un « DG » tout aussi évanescent, et des actionnaires locaux inquiets qui viennent exprimer leur anxiété dans des locaux ouverts à tous les vents… et à toutes les rumeurs.
Administrateurs indépendants : découverte d’une gestion hors de contrôle
Les deux professionnels nommés administrateurs vont rapidement prendre la mesure du malaise. La gestion est calamiteuse. Les chiffres sont hors de contrôle. Et surtout, les relations avec l’A2R sont extrêmement tendues.
Pour cause : le « DG » a bricolé un budget largement fictif. La commission de discipline réclame, une fois encore, des explications au club.
Novembre 2025 : archéologie comptable et projet « US Dax 2030 »
Alors que la convocation devant la commission de discipline approche, la nouvelle directrice administrative et financière découvre l’étendue des dégâts. Elle travaille d’arrache-pied avec l’un des auditeurs mandatés par un potentiel nouvel investisseur pour tenter de bâtir un dossier solide.
L’archéologie comptable démarre. Un expert-comptable anesthésié. Un commissaire aux comptes qui commence à s’inquiéter sérieusement pour la survie du club.
Parallèlement, les équipes tentent de bâtir un nouveau projet pour redonner de l’élan. Ce sera « US Dax 2030 » : un club à mission, avec des comptes équilibrés. Le passage assumé d’une association d’amateurs à une gestion professionnelle.
Philippe Jacquemain, parrain local emblématique, adoube l’idée. Mais ne peut s’empêcher de téléguider maladroitement un administrateur pour demander aux nouveaux entrants de « passer à la caisse ». Fin de non-recevoir. On est passé du mécénat à l’investissement. Et cela suppose de la rigueur.
9 décembre 2025 : audition devant la commission de discipline
Le 9 décembre 2025 à 14h, le président Gufflet se présente devant la commission de discipline. À ses côtés : son commissaire aux comptes, son expert-comptable, la nouvelle DAF et un administrateur. Un seul sur les cinq aura eu le courage d’y aller.
Deux heures trente de salves plus tard, Gufflet est littéralement passé à la sulfateuse, version inquisition. Les dizaines d’heures de travail, de justifications approximatives et d’audits n’y changeront rien.
La récidive est évidente. Les manquements constatés en mai ont perduré. Le « DG » n’est même pas présent pour s’expliquer. Le club avait déjà quatre points en sursis depuis mai. L’espoir que cela n’aille pas plus loin subsiste… timidement.
12 décembre : victoire sportive, illusion de répit
Vendredi 12 décembre, les rumeurs circulent : la commission doit statuer officiellement. Problème, c’est jour de match. Il faudra l’intervention de la FFR pour convaincre l’A2R de ne pas annoncer les sanctions juste avant le coup d’envoi.
La victoire à domicile et la remontée au classement redonnent un peu d’air. Les actionnaires semblent valider le projet de relance du club, formalisé durant le week-end par une lettre d’intention claire : rigueur de gestion, contrôle des finances, club à mission, puis, si les conditions le permettent, investissement.
Le président œuvre pour rapprocher les positions. Le « DG » est exfiltré sans vagues, pour éviter d’ajouter du stress.
15 décembre : sanction historique et implosion du club
Lundi 15 décembre, la sentence tombe. Douze points de retrait. Quatre points de sursis, huit supplémentaires dont trois à nouveau en sursis. Neuf points effectifs.
Un séisme.
Les mots du nouveau président de l’A2R sont d’une violence rare envers Gufflet : « Vous n’avez rien à faire à la tête d’un club professionnel. » Les esprits s’échauffent. Supporters, joueurs, maire, tout le monde réclame la tête du président.
On évoque un audit de la Chambre régionale des comptes. Lui s’accroche à une offre de redressement qui pourrait peut-être le sauver. Les « engagements moraux » de Jacquemain s’évaporent. Les ambitions locales s’aiguisent.
Sous une pression locale digne d’un sous-marin nucléaire, l’offre de redressement est rejetée par les actionnaires.
« Ils préfèrent un jouet cassé bien à eux que de partager un jouet qui marche. C’est classique », résume un fin connaisseur.
Chaos final et ambitions locales
À 16h, Philippe Leveau, autre administrateur, démissionne dans la foulée. Le Conseil d’administration n’est plus fonctionnel. Il faut cinq membres.
Le chaos atteint son paroxysme. Pour le plus grand bonheur de l’ambitieux local Thomas Médina, qui rêve d’être calife à la place du calife et se promène fièrement dans Dax en annonçant déjà son accession à la présidence. Pompier-pyromane par excellence.
Les grands oubliés : joueurs et salariés de l’US Dax
Les minutes à venir infirmeront ou confirmeront cette situation. Mais dans ce fatras de justifications brandies « pour le club », une réalité est trop souvent oubliée. Ce sont des joueurs professionnels et des salariés qui jouent leur avenir. Et tout le monde semble l’avoir perdu de vue.
Reste enfin le « léger détail » des finances. Une perte non budgétée d’environ 1 M€ (corrections A2R incluses). Plus de 800 000 € de prud’hommes et de redressement URSSAF. Et des garanties financières à verser par les actionnaires avant la fin de la semaine, sous peine de relégation.
Espérons que les poches soient suffisamment profondes.
[Update 17/12 21h] Une victoire à la Pyrrhus
L'AG s'achève dans une ambiance délétère. Comme prévu.
Une charge violente contre le président Gufflet, qui voit l'ensemble de ses manoeuvres mise au grand jour... Qui démissionne et retire ses garanties...
Un CAC qui indique que les comptes produits ne sont pas les bons, et qu'il déclenche une procédure d'alerte et "article 40". Autant dire que l'ARR va être ravie et l'effet sur la commission d'appel va être merveilleux.
Le dénigrement tout en élégance des porteurs de l'offre de relance, par un Gérard Cazaux mis aux commandes "pour gérer les affaires courantes", lui-même instrumentalisé par l'avocat d'origine landaise Arnaud Dupin, visiblement pris de passion pour son club de coeur...
Le cynisme du "parrain" Jacquemain, intimidant la DAF qui attend son entretien préalable...
Les 8 administrateurs (Cazaux Medina Ponteins Celhaye Pecastaing Astaggiano Maye Coco), dont l'un est l'objet de l'article 40 du CAC (devinez qui ?) comme des ravis de la crèche, revenant aux affaires comme un cadeau de Noël...
Une prochaine AG le 2 janvier prochain pour valider ces candidatures conformément aux statuts... Et d'ici là "quelques" sujets financiers, en jouant avec la tirelire du parrain probablement.
L'histoire n'est pas finie...
Autres articles à lire :
Interview de Benjamin Gufflet, le Président de l'US Dax
Comment fonctionne vraiment l’économie et le pilotage d’un club de rugby Pro D2 ?
Par La Rédaction
Auteur
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