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La Grande Interview

La grande interview : Thomas Cazenave

Donné au coude à coude avec Pierre Hurmic lors d'un précédent sondage, Thomas Cazenave se veut en rassembleur de la droite et du centre et nous livre ses premiers marqueurs de campagne

Par la rédaction
Publié il y a 19 sept.
13 min de lecture
La grande interview : Thomas Cazenave

Thomas Cazenave, une première question plus de politique générale, quel regard portez-vous sur la situation du pays ?

Je crois que notre pays a besoin de stabilité là où on est en train de traverser beaucoup de crises : crise politique, crise climatique, inquiétude aussi sur le front de la situation internationale, émergence de l’intelligence artificielle… Tout ça fait que ça génère énormément d’inquiétude de la part des français et des françaises. Ce que l’on doit leur offrir à minima, dans la situation actuelle, c’est de la stabilité. Et de la stabilité politique.

Sébastien Lecornu, que vous connaissez bien, est-il l’homme de la situation ?

Moi je souhaite qu’il soit l’homme de la situation. C’est-à-dire, moi je souhaite vraiment qu’on fasse tous les compromis, les efforts nécessaires pour qu’on donne de la stabilité jusqu’en 2027. Et qu’on renvoie en 2027 le moment où on tranchera un certain nombre de décisions. Sa responsabilité, mais aussi celle des groupes politiques à l’Assemblée, c’est de travailler ensemble. Moi je suis sur le terrain toute la journée, et ce que les gens me disent c’est : « travaillez ensemble ». Il y a un vrai problème d’image de la politique aujourd’hui. Ça, je le ressens au quotidien. Et souvent je dis la chose suivante : le problème ce ne sont pas les Français, ils ont voté. Le problème c’est les élus et la classe politique qui doit accepter de travailler ensemble. Le fait majoritaire n’existe plus. Regardez l’Allemagne : ils arrivent à collaborer avec des formations politiques différentes. Donc nous, c’est notre responsabilité d’élus de trouver ce chemin-là.

Un accord avec le PS est-il possible sans renier les fondements du macronisme ?

Non, moi je n’ai pas peur d’un accord avec le PS, je souhaite qu’il y ait un accord le PS, parce que c’est la seule condition dans laquelle on peut garantir un peu de stabilité jusqu’en 2027. Ça veut dire que les uns et les autres, on accepte des mesures qu’on n’aurait pas soutenues seuls. C’est ça, le compromis. Le principe même de coalition avec un paysage politique éclaté c’est de rassembler le plus largement possible. Il faut un accord de non-agressions et de stabilité. Ça ne veut pas dire renier ses convictions, ça veut dire trouver un chemin commun. Avec un paysage politique éclaté, c’est ça la responsabilité : essayer de rassembler le plus largement possible. Donc oui, moi je suis favorable à des accords, même si ça demande des compromis.

Revenons à Bordeaux, pourquoi cette alliance avec Alexandra Siarri ?

Ce n’est vraiment le terme d’alliance mais d’union. On a rassemblé et unifié nos forces pour trois raisons principales. D’abord, après beaucoup de terrain : elle comme moi, on est allés dans les quartiers, on a écouté les Bordelaises et les Bordelais. Et on a fait le même constat. J’ai fait la grande consultation sur 2 000 bordelais et bordelaises : les attentes portent sur les transports, la sécurité, la propreté. On se rejoint sur les constats et sur les grands axes d’un projet. Deuxième point : on a écouté les Bordelais et les bordelaises nous disent « on veut une alternance à la pyramide », on veut un autre projet pour notre ville, mais pour ça vous devez vous unir, vous devez vous rassembler. Donc c’est un premier acte de rassemblement que je souhaite le plus large possible. Troisième élément : on a le même goût, tous les deux, pour la manière de faire de la politique. C’est-à-dire d’être beaucoup au contact, en proximité, sur le terrain. Et donc assez naturellement, après avoir cheminé chacun de notre côté, on a décidé d’avancer ensemble.

Nathalie Delattre ne semble pas vouloir renoncer et Philippe Dessertine a officialisé sa candidature mercredi. En l’état comment battre Pierre Hurmic dans la division ?

Depuis le premier jour, j’appelle au rassemblement le plus large possible. On a commencé à le faire avec Alexandra Siarri, on a ouvert la voie et je continue à tendre la main. J’ai discuté avec Nathalie Delattre, j’ai rencontré Philippe Dessertine, j’ai discuté avec Pierre de Gaétan. Je leur ai dit  au fond si notre objectif principal c’est de proposer un nouveau chemin pour notre ville et si on est d’accord sur le diagnostic alors il n’y a aucune raison qu’on ne soit pas ensemble. Que ça prenne un peu de temps, c’est tout à fait normal. Mais l’objectif reste le même : les Bordelaises et les Bordelais ont un seul message : rassemblez-vous.

Les sondages peuvent-ils servir d’arbitre ? 

Moi j’arrive avec des solutions. Je veux sortir du blocage. En politique pour savoir qui doit partir devant on soutient celui qui est le mieux placé. On en a fait un à l’automne dernier qui montrait que j’étais le mieux placé pour mener cette campagne et aller porter le fer contre Pierre Hurmic. Mais si demain un nouveau sondage est proposé, moi j’y suis favorable. On ne peut rester dans cette situation. C’est une méthode parmi d’autre. Je n’en ai pas peur

Alain Juppé a laissé une empreinte très forte, vous revendiquez-vous de son héritage ?  

Moi je suis né ici, je suis Bordelais. J’ai connu Bordeaux avant Alain Juppé et Bordeaux après Alain Juppé. Et je suis extrêmement reconnaissant de tout ce qu’il a fait pour cette ville. Comme la plupart des Bordelaises et des Bordelais reconnaissent qu’il a transformé notre ville. C’est aussi la raison pour laquelle je m’engage si fortement dans cette campagne. Mais depuis 2020, on est entrés dans une forme d’immobilisme, sans véritable projet. On a laissé la ville se dégrader sur un certain nombre de dimensions : la sécurité, la propreté. Ma détermination est aussi nourrie du fait qu’il faut redonner une nouvelle fierté une nouvelle ambition, un nouveau projet à cette ville.

L’insécurité sera un des thèmes forts de la campagne. Le Maire sortant semble avoir changé de doctrine. Quels seront vos préconisations ?

Alors déjà, ce n’est pas une impression d’insécurité, je renvois tout le monde aux chiffres du ministère de l’Intérieur qui le confirment : depuis 2020 la situation à Bordeaux ne cesse de se dégrader. Et c’est très convergent avec la grande enquête et consultation que j’ai menée. Un bordelais sur deux me dit : ma demande prioritaire c’est plus de sécurité à Bordeaux. Ma demande prioritaire c’est aussi de rallumer Bordeaux. Le maire sortant n'a pas changé de doctrine, il a changé de communication sur la sécurité. En 2020, il disait : « vous faites de la politique politicienne » lorsqu’on parlait d’insécurité. Puis, rattrapé par l’opinion publique, il a dû reconnaître qu’il y avait un problème. Mais il n’a pris quelques demi-mesures cosmétiques : il n’arme pas la police municipale, il arme une petite brigade au service de la police, pour cocher la case. Mais ça ne trompe personne. C’est pour cela qu’on a autant de mal a recruter des policiers municipaux à Bordeaux, parce qu’il refuse l’armement de sa police municipale.  Sur la vidéo protection, il a mis 4 ans pour signer un accord avec le Ministère de l’Intérieur, il nous a fait perdre 4 ans et là aussi en avançant petite touche par petites touches. Moi, ce que je souhaite c’est mettre 300 caméras supplémentaires (quand Toulouse en a 700). Les policiers en ont besoin. Et troisième élément pardon d’insister mais ont doit rallumer la ville toute le la nuit. Je suis sur un changement de pied total car c’est une demande fondamentale. 

Bordeaux est un pôle universitaire mais la précarité des étudiants est de plus en plus importante. Comment une mairie peut travailler sur le sujet ? 

D’abord, c’est une chance pour Bordeaux d’avoir autant d’universités, c’est sa jeunesse, la recherche, ça fait partie de l’attractivité et du rayonnement d’une ville. Je serai toujours du côté de l’université. Je l’ai fait lors de mon mandat de parlementaire. La première responsabilité d’un maire d’une capitale régionale c’est de défendre et d’encourager la construction de logement à destination des étudiants. Aujourd’hui, la question numéro un pour un étudiant qui arrive, c’est : est-ce que je vais réussir à me loger ? Et aujourd’hui il faut que l’on fasse beaucoup plus. Le dynamisme de notre cité c’est de pouvoir continuer à attirer des étudiants. Celui qui octroie des permis de construire, qui autorise les opérations, qui pousse les opérateurs, c’est quand même le Maire. Il faut qu’il prenne toutes ses responsabilités. J’essaye d’être honnête dans cette campagne et je regarde les résultats. En cinq ans bientôt six, la situation des étudiants s’est améliorée à Bordeaux ?  Je ne le crois pas. Deuxième sujet : la précarité alimentaire. On a travaillé à l’Assemblée sur une réforme des bourses étudiantes, pour qu’elles soient plus justes et qu’on lutte mieux pour la précarité étudiante. Il faut la poursuivre. Il faut soutenir le tissu associatif qui fait de l’aide alimentaire sur les campus, travailler avec la Banque alimentaire, et renforcer le partenariat avec le Crous. Le repas à 1 euro, c’est une mesure essentielle : il faut que les étudiants y aient accès facilement, y compris ceux qui sont en centre-ville.

Sommes-nous une vraie ville écologique au sens « noble » du terme ?

Cela fait des années que je dis : l’écologie ce n’est pas un parti. Les Verts, c’est un parti. Je suis préoccupé par la question de la santé, de la santé publique, du réchauffement climatique et de l’angoisse des jeunes générations qui s’inquiètent dans quel monde ils vont vivre. En revanche je ne me contenterais jamais de la politique mise en place par Pierre Hurmic qui au fond au bout de 6 ans, et je suis factuel, qu’a-t-il fait en matière de transition écologique ? Il a fait quelque chose qui se voit. Je le mets à son actif, il a planté des arbres. Mais est-ce que c’est une politique de transition écologique ambitieuse à la hauteur des défis peut se résumer à planter des arbres, je ne le crois pas.

Je prends deux exemples. Le premier, c’est la rénovation des écoles : cet été encore, des élèves n’ont pas pu aller en cours parce que les écoles n’étaient pas adaptées aux chaleurs. Rénover les écoles, c’est bon pour les enfants, pour les enseignants, pour la facture énergétique. Ça, c’est une vraie politique écologique.

Deuxième exemple : la voiture. On dit « la voiture ce n’est pas bien », mais combien de Bordelais sont passés à l’électrique ? Combien de bornes de recharge sont disponibles dans la rue ? Très peu. Donc moi je suis pour une écologie ambitieuse mais concrète, qui réponde aux besoins. Je prends l’engagement ici de défendre pour les élections municipales un projet de transition écologique bien plus ambitieux.

L’économie verte est un booster pour l’économie espagnole grâce à une vraie politique d’investissement. Bordeaux pourrait-il prendre le leadership en France ?

Regardez l’Espagne : ils ont fait de l’économie verte un moteur de croissance. Pourquoi pas Bordeaux ? Aujourd’hui, aucune ville en France ne s’est vraiment positionnée comme leader de ce secteur. Et Bordeaux a des atouts : on a le littoral, la forêt, la vigne, l’aéronautique… Je prends l’exemple de l’aéronautique : ici, on a Safran, des ingénieurs qui travaillent sur la décarbonation des moteurs. Ça, c’est un enjeu fondamental. Et c’est de l’économie verte.  Dans un tout autre domaine, notre patrimoine, nous sommes la première région viticole. L’écologie concerne directement la viticulture.  Et puis il y a le numérique, l’intelligence artificielle, qui peuvent être mis au service de cette économie verte. J’ajoute même l’économie bleue parce qu’on a un port, un littoral. Donc oui, pour moi, c’est un grand axe de développement : réconcilier les entreprises, la jeunesse, les salariés, autour de projets qui répondent aux défis climatiques et qui créent de l’activité économique pour Bordeaux.

En octobre, il y aura le Forum mondial de l’Économie sociale et solidaire (ESS). Quelle est votre vision de ce secteur ?

 Moi je considère que l’ESS, c’est un tissu économique important, avec des entreprises engagées. Et c’est très bien représenté à Bordeaux. Mais je ne veux pas opposer les secteurs entre eux. Les grandes transformations, elles viendront aussi bien de l’ESS que des grandes entreprises dites « classiques ». L’enjeu, c’est la transition écologique, le partage de la valeur, le développement de l’actionnariat salarié… Ce sont des choses qui peuvent être portées par l’ESS, mais aussi par d’autres. Donc je n’aime pas l’idée qu’il y aurait les « bonnes entreprises » d’un côté et les « mauvaises » de l’autre. Moi, je veux qu’on fasse chemin commun pour faire gagner Bordeaux

Le commerce bordelais semble en mauvaise passe. Les habitants de la périphérie vont beaucoup plus dans les centres commerciaux qu’à Bordeaux Centre. Comment les attirer de nouveau et comment comptez-vous soutenir le commerce de proximité ?

 C’est un vrai sujet, et on le voit : de plus en plus de devantures fermées, c’est moins de vie, moins d’attractivité pour la ville. Moi je veux soutenir le commerce indépendant, le commerce de proximité. Concrètement, je propose deux choses. D’abord, faciliter l’accès au centre-ville. Beaucoup de gens me disent : « je ne viens plus à Bordeaux, c’est trop compliqué, trop long, trop cher ». Donc je propose deux heures gratuites dans les parkings collectifs le week-end. Aujourd’hui, ils ne sont pas pleins, donc ça ne coûterait rien à la ville. Et ça permettrait de ramener du monde. Il faut aussi progresser dans l’efficacité des transports en commun. Ensuite, il faut agir sur le foncier et sur la diversité commerciale. À Angers par exemple, ils ont repris la main pied d’immeuble par pied d’immeuble, avec de la préemption, pour ramener de l’activité. On peut le faire ici aussi. Enfin, il y a certains quartiers comme le Grand Parc où les commerces ont disparu parce que c’était une zone d’insécurité. Là aussi, il faut d’abord régler les problèmes de sécurité et d’espace public, sinon les commerçants ne reviendront pas.

Bordeaux est une des villes les plus embouteillée de France et la cohabitation entre les cyclistes et les voitures devient anarchique. Comment concilier les deux ?

 C’est un des trois grands sujets qui reviennent tout le temps dans la consultation qu’on a faite : sécurité, propreté, transports. Et là-dessus, il faut remettre un peu d’ordre. Aujourd’hui, dans le tram, beaucoup de Bordelais me disent : « est-ce que je peux monter sans me faire accrocher par un fatbike ou une trottinette ? ». On a mélangé tous les usages. Moi je pense qu’il faut redéfinir des espaces clairs : les vélos doivent avoir leurs pistes, les voitures leur place, et il faut arrêter le mélange. Ensuite, il faut une vraie politique de transports collectifs. Le tram doit être une vraie solution, mais aujourd’hui il atteint ses limites. Je ferai des propositions pour développer une offre plus ambitieuse, avec des itinéraires adaptés. Enfin, sur la voiture, je l’ai déjà dit : on peut agir sur la rocade, les poids lourds, les horaires de passage. Mais il faut être pragmatique. Beaucoup de gens viennent de Libourne, du Sud-Gironde… ils ont besoin de leur voiture. Donc il faut penser à eux aussi, pas seulement à ceux qui vivent dans l’hypercentre.

Thomas Cazenave, quelle serait votre première délibération si vous étiez Maire de Bordeaux ?

Mon objectif, c’est de rassembler largement, au-delà des partis, autour d’un diagnostic partagé. Les Bordelaises et les Bordelais nous demandent ça : qu’on sorte du blocage, qu’on apporte de la sécurité, de la propreté, des transports efficaces, et surtout un projet ambitieux qui redonne de la fierté à la ville.

Et puis la première proposition, elle prend moins de deux minutes : je le dis clairement, dès le premier jour, si je suis élu, je rallumerai la ville la nuit. C’est un geste simple, ça ne coûte rien, mais ça veut dire qu’on remet de la lumière, de la vie, et qu’on envoie un signal positif.