La grande interview : René Bouscatel
René Bouscatel a le plus beau palmarès du rugby français comme Président du Stade Toulousain. C'est un plaisir immense d'échanger avec lui

Cet homme a eu plusieurs vies : avocat reconnu, il fut le plus jeune bâtonnier de Cour, adjoint au Maire de Toulouse (culture puis urbanisme), il a surtout un des plus beaux palmarès du rugby français en tant que Président du Stade Toulousain : 9 titres de champions de France et 4 coupes d’Europe. En ce week-end de reprise du TOP14, sa vision du rugby pro nous semble indispensable.
René Bouscatel, durant votre Présidence de la Ligue Nationale de Rugby, un cap a été passé avec une forte augmentation des droits TV, des stades pleins aussi bien en TOP14 qu’en Pro D2 et une relation apaisée avec la FFR. Quel regard portez-vous sur cette période ?
Je m’étais présenté en 2021 afin que la LNR retrouve des relations apaisées avec la FFR et que le TOP14 et la PRO D2 soient encore plus des compétitions de références. Il fallait également mettre l’accent sur le développement du rugby féminin, du rugby à 7 et des actions RSE par le rugby professionnel. Il fallait augmenter les ressources des clubs.
Si je fais le bilan, tous ces engagements ont été tenus avec, en particulier, la convention pour la mise à disposition des joueurs pour le XV de France, une concertation amplifiée entre le staff du XV de France et celui des différents clubs. Les résultats sportifs le montrent même : si la France a perdu en quart de finale de la Coupe du Monde, ce n’est pas un échec politique mais un échec d'un match. Durant ma mandature les droits TV ont augmenté de 14,7 % et vont bénéficier à l’ensemble du rugby français : le TOP 14, la PRO D2, le rugby amateur, la filière de formation et le XV de France.
Les budgets des clubs sont en constante augmentation malgré le salary cap. Ne craignez-vous pas un scénario comme en foot avec un club ultra dominant qui nuirait à l’intérêt sportif ?
Non et le terrain démontre l’inverse. Il y a une lutte intense pour les 6 premières places ou pour éviter celle de barragiste. C’est la même chose en PRO D2. Nous avons assisté à une des meilleures finales des 30 dernières années, et j’en ai vues … Suspens, beau jeu, prolongations, et un score de 39 à 33. L’augmentation des budgets est obligatoire. Avec les doublons, la Coupe d’Europe, nous sommes vite sur des effectifs jusqu’à 50 joueurs par club. Et grâce au « jiff » nous avons de plus en plus de joueurs issus des centres de formation des clubs.
Quel est le bon modèle économique pour un club ? Certains clubs ne doivent leur survie qu’à l’apport de mécènes qui, s’ils jettent l’éponge, c’est le dépôt de bilan.
Le modèle devrait être celui des clubs générant leur budget par leur activité sportive et économique. C’est aux clubs de développer leur potentiel économique via de l’innovation et des ressources complémentaires. J’utiliserais plus le terme d’actionnaire de référence que celui de mécène. Et il faut les remercier quand, en fin de saison, ils renflouent les caisses des clubs. Sans eux, le championnat n’existerait pas. Et notons qu’à chaque fois qu’un actionnaire part, un autre le remplace. Ce sont les investisseurs qui permettent un championnat d’une telle qualité.
Des clubs historiques comme le BO sont chaque année en danger, un actionnaire majoritaire chasse l’autre. La LNR doit-elle être plus intransigeante sur les finances ou la structuration juridique ?
Nous avons une A2R totalement indépendante qui contrôle les clubs et qui impose des garanties financières avant chaque début de saison. A la différence de nos amis anglais qui font sans, et nous avons vu le résultat. Nous n’avons, nous, jamais connu de dépôt de bilan en cours ou en fin de saison. Chaque club a ses propres difficultés et je suis certain que le BO va rebondir avec son nouveau Président.
Les clubs doivent trouver de nouvelles sources de financement. Organisation d’évènements hors saison, RSE, etc. Que préconisez-vous ?
Bien évidement il faut aller chercher de nouvelles ressources. Tout est fonction également de la taille de la ville, des infrastructures, mais les clubs en sont conscients avec, par exemple, le développement du merchandising. Pour la RSE, il y a une vraie prise de conscience car cela fait partie de l’ADN du rugby. J’ai une phrase favorite : le rugby est une culture, et le club une éducation. Aujourd’hui la plupart des clubs ont leur fonds de dotation ou leur Fondation et cela est indispensable.
Sous votre mandat les stades de PRO D2 sont devenus the place to be. Pourquoi vous êtes-vous investi autant dans ce championnat ?
La PRO D2 est une réussite et elle doit encore progresser. C’est un championnat extraordinaire qui a pris de la valeur grâce à son exposition sur Canal Plus. Si le rugby français a cette réussite c’est aussi grâce à ce vivier de joueurs (1300 environ), 1/3 des joueurs pro au monde sont en France et la Pro D2 y prend toute sa part. Le rugby pro c’est 30 clubs et on le doit en partie à Serge Blanco. Et oui, j’adore la PRO D2, chaque semaine j’étais présent à un match durant mon mandat.
Le rugby féminin connaît un vrai essor boosté par les retransmissions TV et la Coupe du Monde. Arriverons-nous à un vrai rugby féminin professionnel ? Les clubs du TOP14 et de PRO D2 ne devraient-ils pas avoir obligatoirement une équipe féminine ?
Un de mes objectifs était de valoriser le rugby féminin et j’ai milité pour que chaque club puisse avoir son pendant féminin mais celui-ci est encore amateur et dépend de la FFR et la LNR ne peut que soutenir indirectement son développement. Nous l’avons soutenu, via l’intégration au Super Seven, au match couplé avec le TOP14 ou via la retransmission sur Canal Plus. Il doit devenir professionnel grâce à ses propres ressources et en générant du revenu. Ce n’est pas au rugby masculin de le financer. Cela prendra du temps, n’oublions que les hommes ne sont professionnels que depuis 30 ans. Cela sera sûrement plus rapide pour elles, je n’en doute pas.
En 2031, la Coupe du Monde se déroulera aux USA. Le rugby est-il vraiment devenu un sport mondial ?
Non, pas encore malheureusement et on peut le regretter. Il faut gagner des territoires. Mais pour cela il faut modifier la politique des instances internationales qui tourne un peu en rond avec le tournoi des VI nations. Celui-ci représente une grosse part des revenus des Fédérations et il sera difficile de les faire bouger. Si on prend juste l’Europe nous sommes dans une « ligue fermée ». La Géorgie, le Portugal, l’Espagne progressent chaque année mais n’ont que peu d’espoir d’accéder aux VI Nations.
Il nous semble difficile de vous voir prendre votre retraite en pêchant sur les bords de la Garonne. Que va faire René Bouscatel dans les prochains mois ?
Je viens de créer ma société de conseil qui va intervenir dans des évènements ou des conférences. Mais j’espère aussi apporter du conseil à des clubs sur leur structuration économique voire sportive. Je peux apporter, par mon expérience et par mon expertise, sur la construction d’un projet de club. Je pense modestement avoir quelques idées qui ont fait leurs preuves. Pour la retraite, j’ai la chance de me réaliser et de ne pas y penser ; je ne la souhaite pas pour maintenant.
Même si on se doute de la réponse, quel est votre favori pour le TOP14 ?
Je n’ai jamais de favori et celui de mon cœur ne souhaite pas l’être. La compétition est très ouverte avec l’UBB grâce au super travail de Laurent Marti, Clermont qui va revenir fort, Toulon qui progresse, le Racing92 qui se reconstruit, sans oublier bien sûr La Rochelle… la bataille sera intense pour être dans les 6.
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