IA : votre futur manager ? – Épisode 1 : Le choc silencieux
Sans bruit, l’IA s’invite dans vos open spaces. Emails, slides, comptes rendus : le “shadow AI” avance masqué, managers compris.

IA : votre futur manager ?
Dix enquêtes sur la révolution silencieuse qui redessine le travail. De l’open space infiltré aux métiers menacés, des syndicats déboussolés au contrat social à réinventer, Aqui.Media explore sans filtre l’impact de l’IA générative sur nos vies professionnelles.
Épisode 1 – Le choc silencieux
L’IA s’installe en douce dans vos open spaces.
Sans bruit, l’IA s’est déjà invitée dans vos bureaux, l'air de rien. Mails rédigés par ChatGPT, slides préparés en douce, analyse financière, comptes rendus automatisés de réunion… C’est à une véritable infiltration par le bas à laquelle on assiste. Le “shadow AI” avance masqué, entre salariés dopés à l’IA et managers qui préfèrent fermer les yeux. Jusqu’à quand ?
C’est la première révolution industrielle qui ne descend pas d’un énième plan stratégique ni d’un PowerPoint d’un cabinet de conseil. Non, l’IA générative s’est installée au bureau en douce, par la petite porte de vos navigateurs web. Et, surprise : elle est déjà partout.
L’infiltration discrète
Dans une PME de services à Bordeaux, un commercial avoue utiliser ChatGPT pour rédiger ses mails clients. Dans un cabinet d’architecture à Limoges, une assistante fait ses comptes rendus de réunion avec l’IA en 5 mn, là où il lui fallait 1 h auparavant. Et dans un grand groupe de conseil parisien, des consultants font digérer à l’IA des kilomètres de documents financiers qui produisent ensuite des trames entières de slides d’analyse… qu’ils maquillent ensuite à la sauce maison.
Rien d’officiel. Rien de validé. C’est le “shadow AI”, comme on parlait jadis du “shadow IT” quand les salariés installaient Dropbox, Slack, Trello ou Zoom sans demander la permission. Cette fois, pas besoin de logiciel interdit : un onglet ouvert suffit. A voir votre DSI s’arracher les cheveux !
Selon Ipsos (juin 2025), 66 % des salariés en France ont déjà utilisé l’IA au travail, alors que seulement 36 % des entreprises l’ont déployée officiellement. Et plus de la moitié (55 %) avouent l’avoir fait sans prévenir leur hiérarchie.
Les managers pris de court
Face à cette montée de l’utilisation de l’IA, les managers oscillent entre fascination et inquiétude. “Quand un junior te sort un rapport nickel en une heure, tu te demandes s’il est surdoué ou s’il a un complice”, confie un cadre bordelais des Telecoms. Le complice, c’est l’IA.
Dilemme : sanctionner ou fermer les yeux tant que la productivité suit ? Car les gains sont bien réels : en France, l’IA générative apporte en moyenne 33 % de productivité en plus, soit entre 57 minutes et 3 heures gagnées par jour. Une étude américaine a même mesuré une hausse de 15 % dans les centres de support client, surtout chez les moins expérimentés.
Trois stratégies possibles
La première : faire l’autruche et fermer les yeux. La deuxième : interdire tout usage de l’IA (facilement contourné). Et la troisième, sans doute la plus pertinente : accompagner.
Car l’IA n’est pas sans risques : erreurs grossières, données sensibles expédiées sur des serveurs américains, dépendance à un outil jamais réellement validé… Une enquête Cyberhaven parle même d’une explosion de +485 % du volume de données d’entreprise copiées dans des outils d’IA en un an. Bref, une bombe à retardement.
Ainsi, les entreprises travaillant sur des sujets sensibles (Finance, Santé, Défense…) ont interdit purement et simplement l’usage de l’IA générative. D’autres ont pondu des chartes floues qui ressemblent davantage à un vœu pieux qu’à une politique claire. La majorité ? Elles attendent, le regard ailleurs, pendant que leurs équipes testent, bricolent, avancent. Un petit air de “revival des années web 2.0”. Sauf que là, la révolution IA fait des bonds gigantesques de jour en jour.
Les premières fractures sociales
Ceux qui utilisent l’IA avancent plus vite, parfois beaucoup plus vite. Les autres commencent à décrocher. Les jeunes générations, habituées à tester sans demander, sont aux avant-postes. Les seniors, eux, hésitent. Résultat : un décalage qui se lit déjà dans les performances et la perception des uns et des autres.
En Grande‑Bretagne, selon une enquête de la société Ivanti (2025), 29 % des salariés britanniques utilisent l’IA au bureau en douce. Et parmi eux, 27 % avouent ressentir un « AI‑fuelled impostor syndrome », craignant que l’IA ne fasse passer leurs compétences pour insuffisantes.
L’IA, un tabou que les entreprises ne pourront pas ignorer longtemps
Officiellement, l’IA n’est pas encore un sujet dans beaucoup d’entreprises. Officieusement, elle est partout. La prochaine étape sera brutale : quand les directions comprendront que la révolution est déjà en cours, elles devront trancher. Interdire, encadrer, ou encourager.
En attendant, l’IA poursuit son infiltration silencieuse. Elle ne fait pas grève, ne réclame pas de RTT…et ne boit même pas de café. La question n’est plus de savoir si elle est là. Mais : combien de temps encore les entreprises vont-elles faire semblant de ne pas la voir ?
Stéphanie Delestre, CEO de Volubile.ai, elle, y voit une opportunité : « L’IA arrive pile au bon moment pour répondre à certaines difficultés de recrutement et de pénibilité de l’emploi. »
👉 Prochain épisode : La fin du job “moyen” ? – Quand l’IA efface les professions intermédiaires.
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