Bordeaux Invest Day 2025 : la French Tech locale fait son show (et ses émotions)
BeLiver et Cyclezen raflent les prix du Bordeaux Invest Day 2025. L’écosystème bordelais résiste entre solidarité, fragilités et ambitions.

Deux femmes sur le podium, des pitchs engagés, et un public conquis.
Jeudi soir, l’écosystème bordelais s’était donné rendez-vous à l’Hôtel de Bordeaux Métropole pour le Bordeaux Invest Day by Mayaj. Une soirée à la croisée de la finance et de l’humain, où l’on a autant parlé santé mentale des dirigeants que levées de fonds et Las Vegas. Oui, Las Vegas.
L’entrepreneuriat, c’est aussi dans la tête
Avant même les pitchs, la table ronde animée par Maud Clérice a mis les pieds dans le plat : « Comment préserver la santé mentale des entrepreneurs ? »
Un sujet longtemps tabou dans un milieu qui glorifie la résilience jusqu’à l’épuisement.
Autour de la table : Anna Balez, fondatrice de Lizee, Gilbert Peyre, fondateur de Skadi Hospitality, et Hugo Baup, psychiatre. Trois regards, un même constat : la performance économique ne vaut rien sans équilibre personnel.
« La vulnérabilité n’est pas une faiblesse, c’est une compétence », a résumé l’une des intervenantes.
Une phrase qui résonnera fort quelques heures plus tard, quand les pitchs mettront à nu d’autres formes de fragilité : celles du risque, du doute et de la solitude entrepreneuriale.
Six startups, deux lauréates, beaucoup d’énergie
Place ensuite au Pitch Contest. Six jeunes pousses locales se sont succédées devant un jury d’investisseurs et de partenaires — SG Sud Ouest, Héméra, Excellence Nouvelle-Aquitaine, Ville de Bordeaux, et La French Tech Bordeaux, représentée par Philippe Métayer et Hakim Baka.
Objectif : convaincre en quelques minutes et séduire un public souvent plus exigeant qu’un fonds d’investissement.
Et le palmarès 2025 consacre deux femmes :
- 🏆 BeLiver, projet porté par Madeleine Moscatelli, remporte le billet pour le CES de Las Vegas. L’entreprise, spécialisée dans la santé connectée, s’envolera en janvier pour représenter Bordeaux sur la scène mondiale de la tech.
Un vrai tremplin quand on sait que les startups françaises présentes au CES lèvent en moyenne 2,3 M€ dans l’année qui suit (source : Business France, 2024). - 🏆 Cyclezen, fondée par Samia Dahmouni, décroche le Prix du Public. Sa mission : améliorer le bien-être menstruel tout en réduisant l’empreinte écologique des protections hygiéniques.
Un sujet encore trop discret… et une fondatrice qui a bouleversé la salle.
“Ce soir-là, je me suis ratée… et le public m’a sauvée”
Sur LinkedIn, Samia Dahmouni a livré un témoignage rare, à contre-courant des pitchs “parfaits” qu’on nous sert d’ordinaire.
Elle raconte le stress, le “tunnel” des six derniers mois, le blanc pendant son intervention, et surtout la bienveillance d’un public qui l’a encouragée à reprendre ses mots.
« Ce prix du public a une saveur particulière : il prouve que ce que nous construisons a du sens. » « La lumière est bien là, parfois elle passe simplement par les yeux d’un public qui croit en vous. »
Une leçon d’humilité et de sincérité qui rappelle que, derrière les levées et les KPIs, il y a des êtres humains. Fatigués, mais toujours portés par leurs convictions.
Une solidarité plus qu’un dynamisme
Au-delà des trophées, Bordeaux Invest Day a confirmé une chose : la solidarité de l’écosystème bordelais résiste, même dans un contexte national difficile.
Les levées de fonds ont chuté de –37 % en 2024 (source : EY Venture Capital Barometer), les tours de table sont plus longs, les investisseurs plus frileux. Et pendant ce temps, Bordeaux peine encore à s’imposer dans les grands classements nationaux.
On se souvient que la métropole était absente du Top 100 des recruteurs tech 2025 publié par FrenchWeb — un constat que nous avions déjà analysé ici.
Dans ce contexte, les événements comme celui de Mayaj jouent un rôle essentiel : rassembler, créer des passerelles, maintenir l’envie.
« L’objectif n’est pas seulement d’attirer les fonds, mais de construire des champions durables », rappelle un membre de la French Tech Bordeaux.
Une ambition louable, mais qui reste encore — disons-le — un vœu pieux. Aucune "Licorne" n'est bordelaise. Les plus ambitieuses des startups locales peinent à grandir, souvent freinées par la frilosité des investisseurs ou un déficit d’ambition collective.
L’écosystème bordelais reste fragile, même si la maturité aidant, tous les espoirs sont permis en particulier du côté de la biotech ou du spatial (voir notre article sur The Exploration Company).
Après les paillettes, les défis
Pour BeLiver, l’aventure américaine commence. Pour Cyclezen, la route continue en France, avec de nouveaux partenaires et une distribution qui s’élargit.
Mais derrière ces victoires symboliques, une autre question se pose : combien de ces startups locales parviendront à grandir ici, sans se délocaliser (exemple de Hynaero quitte la Nouvelle-Aquitaine), ni leurs talents ?
C’est tout l’enjeu d’un écosystème régional encore jeune, souvent sous-estimé, mais qui refuse de baisser les bras.