Blanquefort : la vigne du futur s’invente ici

À Blanquefort, le Vitivinicampus – le Campus régional de la Vigne et du Vin – pilote un projet inédit pour réinventer la formation viticole à l’ère du climat, de l’innovation et de la pénurie de talents. Nous en parlions déjà dans notre article sur les cépages résistants, la viticulture est face à des défis d'envergure. Son nom : NAVI. Objectif : faire de la Nouvelle-Aquitaine le laboratoire du vin durable et intelligent.

Casque VR sur la tête, sécateur virtuel en main

La scène se passe à Blanquefort, dans une salle où des apprentis taillent la vigne… sans vigne. Ce jour-là, la réalité virtuelle sert d’outil d’apprentissage, pas de gadget.
« Les jeunes comprennent mieux les gestes, sans craindre de se tromper », explique un formateur du Vitivinicampus, ce pôle régional qui rassemble lycées agricoles, centres de formation et laboratoires autour d’un même credo : former autrement pour produire autrement.

Le projet NAVI – Nouvelle-Aquitaine Viticulture Innovation pousse cette logique encore plus loin. Lauréat du programme national France 2030 – Compétences et Métiers d’Avenir, il veut faire de la formation viticole un levier de transformation écologique, économique et sociale.
Un plan de 11,25 millions d’euros sur cinq ans, porté par l’EPLEFPA Bordeaux-Gironde, labellisé Talents et Territoires de Nouvelle-Aquitaine (TTNA).

Former pour durer, pas seulement produire

Derrière l’acronyme NAVI, un constat lucide : la filière viticole régionale – 54 000 emplois, 30 % de la production nationale, 14 000 entreprises – se trouve à la croisée des chemins. Stress hydrique, baisse de consommation, pression environnementale, crise des recrutements… Les défis s’accumulent.

Mais plutôt que de subir, la région mise sur un pari long terme : la compétence comme moteur de résilience.

Le campus résume son ambition ainsi : redonner envie d’exercer ces métiers et préparer les futurs professionnels aux transformations à venir, en anticipant les compétences émergentes plutôt qu’en reproduisant les anciens modèles.

15 000 apprenants, 500 formateurs, 250 conseillers

Le programme est massif :

• 15 000 apprenants formés ;
• 500 formateurs accompagnés dans leurs nouvelles pratiques pédagogiques ;
• 250 conseillers spécialisés dans la transition viticole ;
• et 250 000 personnes sensibilisées aux métiers du vin et à la transformation durable.

Un chiffre à la hauteur des ambitions de NAVI, adossé à la feuille de route régionale Néo Terra et au programme VitiREV, qui visent à réduire les intrants chimiques et à promouvoir l’agroécologie. Lire aussi PestiRiv secoue le Bordelais : pesticides, bio et avenir du vignoble ?

Le projet se déploie via un réseau de sept pôles d’excellence en Nouvelle-Aquitaine : Bordeaux-Blanquefort, Bergerac, Cognac, Montagne-Saint-Émilion, le Pays basque, le Médoc et la Charente.
Chaque pôle accueillera de nouvelles formations : management de la viticulture durable, maintenance robotique, agriculture de précision ou encore conduite de chais connectés.

Innover dans la pédagogie : simulateurs, badges et immersion

Oubliez les amphithéâtres poussiéreux. NAVI parie sur une formation augmentée : simulateurs de distillation, réalité virtuelle pour la taille et la vinification, badges numériques certifiant les micro-compétences (gestion de l’eau, traçabilité, robotique…).

Le modèle repose sur une offre continue de formation de formateurs, afin que chaque enseignant ou technicien de la filière maîtrise lui-même ces outils. Un changement de culture majeur pour apprendre différemment.
Ici, le numérique sert la transmission du geste, pas sa disparition.

L’idée : rendre la formation viticole aussi innovante que la filière qu’elle soutient. Et faire émerger une génération de “vignerons augmentés” – pas par la machine, mais par la compétence.

Attirer les talents : l’appel de la vigne

L’un des quatre piliers de NAVI vise à renforcer l’attractivité des métiers.
La campagne « L’appel de la vigne » s’adressera aux jeunes, aux personnes en reconversion et à ceux qui cherchent du sens dans leur travail.

Des dispositifs de découverte sont en cours de conception : mini-stages, formations express, expériences immersives.
Car malgré sa notoriété mondiale, la filière peine à recruter.
Entre les départs en retraite et la désaffection des jeunes générations, les exploitations cherchent en vain tractoristes, techniciens, maitres de chai ou saisonniers.

« On parle souvent de la crise du vin, mais peu de la crise du recrutement viticole, » souligne un viticulteur du Médoc.
« Si NAVI peut remettre de l’envie et du sens dans ces métiers, c’est déjà une victoire. »

Un projet régional, une ambition nationale

Avec 36 partenaires – du lycée agricole de Libourne à Bordeaux Sciences Agro, en passant par l’ISVV, les interprofessions et les vignerons bio – NAVI tisse un réseau inédit. Cette approche coopérative fait école : plusieurs régions viticoles observent le modèle aquitain de près, de l’Occitanie à la Bourgogne.

La Région Nouvelle-Aquitaine joue ici un rôle de chef d’orchestre, en assurant la cohérence avec Néo Terra et VitiREV.

« NAVI démontre que l’innovation n’est pas réservée aux startups numériques.
La viticulture, c’est une industrie d’excellence, une culture, un patrimoine.
Il faut la préparer à durer. »
— Alain Rousset, président de la Région Nouvelle-Aquitaine.

Un pari sur l’avenir du vin aquitain

Au-delà des chiffres, NAVI représente un changement de posture.
Plutôt que de subir la crise, la filière s’organise pour la transformer en opportunité : former, innover, transmettre.

Bien sûr, tout ne sera pas simple : coordonner 36 acteurs, créer des cursus, changer les habitudes.
Mais pour une fois, la vigne prend de l’avance.

NAVI en chiffres

• 11,25 M€ de budget sur 5 ans (France 2030 + Région + partenaires)
• 15 000 apprenants formés
• 500 formateurs, 250 conseillers
• 250 000 personnes sensibilisées
• 7 pôles d’excellence en région
• 36 partenaires
• 1 campus pilote : Blanquefort