La Fédération Française du Prêt à Porter Féminin porte plainte contre SHEIN
Plainte historique contre SHEIN. La Fédération Française du Prêt à Porter Féminin et plus de 100 marques attaquent la plateforme pour pratiques illégales, produits dangereux et concurrence déloyale. Un tournant pour la mode française et le commerce en ligne.

Pourquoi la Fédération s’allie à 100 marques contre SHEIN
Le secteur de la mode française a décidé de frapper fort. La Fédération Française du Prêt à Porter Féminin (FFPAPF), présidée par Yann Rivoallan, vient de lancer une action judiciaire collective contre SHEIN, épaulée par douze fédérations, 63 entreprises et plus d’une centaine de marques.
Dans un marché habituellement morcelé, voir autant d’acteurs marcher ensemble n’arrive jamais sans raison. L’exaspération a visiblement atteint un niveau inédit.
Les accusations clés : données personnelles, pratiques trompeuses et produits dangereux
Dans son post LinkedIn, Yann Rivoallan expose les griefs qui fondent la plainte. Captation illégale de données personnelles, déjà sanctionnée par la CNIL. Publicités mensongères et techniques commerciales agressives, condamnées par la DGCCRF en juillet 2025.
La Fédération ajoute un problème majeur : l’arrivée massive de produits non conformes. Les contrôles douaniers récents affichent près de 80 % d’articles hors normes. Un taux rarissime pour un distributeur opérant en France, où chaque marque doit se plier à des règles strictes et coûteuses.
L’impact économique de SHEIN sur la filière mode française
Les fédérations ne dénoncent plus seulement une concurrence agressive. Elles visent un modèle qui aurait fragilisé toute la chaîne de valeur. Beaucoup parlent de ventes en chute, de marges écrasées et d’emplois supprimés. Certaines organisations avancent le chiffre de 23 000 postes perdus en cinq ans.
Pendant ce temps, SHEIN est devenu l’un des sites les plus consultés du pays. Son modèle ultra-fast-fashion, ses prix très bas et son marketing agressif ont créé une asymétrie telle que les acteurs français ne pouvaient plus suivre, enfermés dans des obligations que la plateforme contournerait largement.
L’Europe réagit : fiscalité, douanes, enquêtes… et une « sainte alliance »
Le dossier SHEIN n’est plus seulement français. Pierre-François Le Louët, président de NellyRodi et co-président de l’Union Française des Industries Mode-Habillement, résume la semaine : « ces trois derniers jours vont tout changer pour la mode en Europe ».
Trois signaux forts :
— une taxe de 2 euros par petit colis, votée par l’Assemblée nationale, applicable dès janvier 2026 ;
— la fin annoncée de l’exonération douanière des petits colis de moins de 150€, votée par la Commission européenne et applicable au 1er janvier 2026;
— une alliance franco-italienne, soutenue par Confindustria Moda, prête à combattre l’ultra-fast-fashion sur dix ans.
À Bruxelles, EURATEX et l’UFIMH ont rencontré les cabinets de trois commissaires européens (Stéphane Séjourné, Maroš Šefčovič et Henna Virkkunen) pour accélérer les enquêtes en cours. Une mobilisation qualifiée d’« inédite » par Le Louët.
Une procédure judiciaire qui pourrait créer un précédent
L’affaire arrive devant le Tribunal de commerce d’Aix-en-Provence. Selon plusieurs sources concordantes, une première audience de mise en état pourrait se tenir en janvier 2026. Le préjudice économique évoqué par la Fédération se chiffre en centaines de millions d’euros.
Les plaignants demandent réparation et l’arrêt immédiat des pratiques jugées illégales.
SHEIN, de son côté, parle d’une opération de boycott et met en avant son efficacité logistique. Mais la plateforme n’apporte pas de réponse détaillée aux accusations déjà relevées par les autorités françaises.
Ce que cette plainte change pour le commerce en ligne en France
Cette action judiciaire dépasse largement le cadre de la mode. Elle touche à la capacité de l’Europe à imposer ses normes sur les plateformes extra-européennes (avec TEMU aussi en ligne de mire). Le débat touche aussi aux conditions de fabrication, à l’opacité des chaînes d’approvisionnement et à l’impact environnemental de la fast-fashion, un modèle que beaucoup décrivent comme incompatible avec les engagements climatiques européens.
Yann Rivoallan résume la philosophie de cette riposte : « Faire reconnaître le préjudice économique subi et faire cesser immédiatement les pratiques illégales ».
Dans une filière souvent résignée, cette plainte pourrait devenir un point de bascule. Peut-être même le début d’un rapport de force totalement réécrit entre les géants du numérique et les entreprises françaises qui jouent, elles, avec les règles.

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Par Jacques FROISSANT
Directeur de la publication
Bordelais, œnologue, tout allait bien… jusqu’à ce que je dérape dans l’entrepreneuriat RH pour les startups. 😉 Auteur et chroniqueur (L’Express, FrenchWeb, France 3 NOA...), je suis aujourd’hui cofondateur et rédacteur en chef d’AQUI.Media
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