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Société

Kard en faillite : vos ados ont-ils perdu leur argent ?

Faillite Kard : 200 000 familles touchées. Argent des ados bloqué, communications tardives... Derrière le fiasco de la néobanque, AQUI révèle les failles du statut EME et les garanties réelles de remboursement.

Par Jacques FROISSANT
Publié il y a 24 nov.
4 min de lecture
Kard en faillite : vos ados ont-ils perdu leur argent ?

L'application Kard, ancienne coqueluche de la French Tech pour adolescents, est en liquidation judiciaire depuis septembre 2025. Ce sont plus de 200 000 familles qui se retrouvent avec des comptes gelés et des fonds inaccessibles. Derrière ce fiasco, c’est le modèle de la néobanque pour mineurs qui explose en vol. Cette débâcle révèle une faille entre la promesse d’éducation financière et la réalité de la défaillance d’entreprise.

L’histoire de Kard est celle de la promesse technologique. Le service se positionnait comme le compte idéal pour l’argent de poche. Un modèle pédagogique, pensé pour responsabiliser la « Gen Z ». Un succès construit à coups de levées de fonds, la fintech ayant amassé plus de 15 millions d'euros d’investissements depuis 2019.

Faillite Kard : de la promesse tech aux 200 000 clients bloqués

Après une première alerte et une reprise en octobre 2024, l’entité distributrice des services, KARDLY, a finalement été placée en liquidation judiciaire le 11 septembre 2025 par le tribunal de commerce d'Évreux. Pour des milliers de foyers, le rêve de l'argent de poche numérique est devenu un cauchemar réel. Des familles se sont retrouvées du jour au lendemain face à des soldes affichés, mais rigoureusement inaccessibles.

Fonds bloqués après le 11 novembre : la stratégie d’opacité de Kard

Le principal point de tension réside dans la gestion de crise post-liquidation. L’entreprise avait fixé une date limite de retrait pour l’ensemble de ses clients au 11 novembre 2025. Le liquidateur en charge devait s'assurer que les fonds soient transférés avant cette échéance.

"J'ai vu l'alerte après qu'il soit trop tard."
Témoignage d'une mère de famille touchée par la faillite.

« On nous a dit que l'argent était protégé, que tout était transparent. J'ai fait confiance pour mes trois adolescents. Mon plus grand y avait mis ses économies de baby-sitting. Le 19 novembre, l'application disait : 'Veuillez retirer vos fonds'. C'était une semaine trop tard, la date butoir était le 11 novembre. L'argent était déjà bloqué, figé. C'est ça le plus choquant : l'opacité. L'argent de nos enfants est devenu l'otage d'une erreur de communication. »

Remboursement Kard : pourquoi le statut EME des néobanques pose problème

La question que tous les parents se posent est : l'argent est-il perdu ? Non, mais il est soumis à une longue procédure.

Kard n’était pas une banque. Elle était enregistrée comme Établissement de Monnaie Électronique (EME). Ce statut l’exonère du Fonds de Garantie des Dépôts (FGDR) qui assure les dépôts jusqu’à 100 000 euros dans les banques classiques.

Pour un EME, la sécurité est assurée par le principe de cantonnement. L'argent des clients doit être conservé auprès d'un prestataire agréé, dans ce cas OKALI (filiale du Crédit Agricole). Cet argent doit être isolé des actifs de l'EME.

Comment récupérer son argent Kard : la garantie du cantonnement par Okali

En théorie, le mécanisme est une garantie totale. L'argent est protégé chez Okali et doit être restitué. Le risque n'est pas la perte des fonds, mais le délai et l’incertitude de la procédure de liquidation. Les fonds sont bloqués par la complexité administrative. Le liquidateur doit organiser l'extraction et le remboursement des fonds.

Cette inertie, qui peut durer des semaines, expose la faille du modèle : le service est innovant, mais la sécurité est soumise à une complexité que les familles n'ont jamais eu à décrypter.

Face au risque Fintech : l'écart entre le cadre et la réalité

La faillite de Kard est un miroir tendu à l’ensemble de la French Tech. Elle rappelle que, si l'innovation est nécessaire, elle s'inscrit déjà dans un cadre. Kard, en tant qu'Établissement de Monnaie Électronique (EME), était agréé par l'ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution) et devait se conformer à des exigences strictes.

Le problème n'est donc pas l'absence de réglementation, mais l'écart entre cette conformité réglementaire (le cantonnement des fonds chez OKALI) et l'impact social réel sur les 200 000 familles touchées. La procédure de protection, bien que réelle, s'est révélée lente, opaque et mal communiquée, transformant une garantie théorique en une angoisse concrète pour l'argent de poche.

L’histoire de Kard n’est pas celle d’une simple liquidation, mais la démonstration que la transparence et la responsabilité sociale ne peuvent être sacrifiées à la promesse de croissance. L'enjeu pour les autorités est désormais de resserrer l'étau autour de l'application de ces règles pour garantir que le statut EME ne puisse plus être confondu avec la sécurité d'une banque classique. L'argent, même celui de poche, mérite une protection sans zone grise.


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Par Jacques FROISSANT

Directeur de la publication

Bordelais, œnologue, tout allait bien… jusqu’à ce que je dérape dans l’entrepreneuriat RH pour les startups. 😉 Auteur et chroniqueur (L’Express, FrenchWeb, France 3 NOA...), je suis aujourd’hui cofondateur et rédacteur en chef d’AQUI.Media

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