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Vie Locale

Béarn, Landes, Pays Basque : le Sud-Aquitain, nouvel eldorado des 30-40 ans

Le Sud-Aquitain attire les 30-40 ans en quête d’espace et de télétravail. Mais derrière la carte postale, la côte basque repousse ses habitants et la fracture culturelle s’installe.

Par Jacques FROISSANT
Publié il y a 7 oct.
6 min de lecture
Béarn, Landes, Pays Basque : le Sud-Aquitain, nouvel eldorado des 30-40 ans
Village basque

Entre crise du logement urbain, télétravail et quête de sens, les campagnes du Sud-Aquitain attirent comme jamais. L’effet post Covid a accéléré les choses, mais le mouvement était déjà enclenché avant.

Selon une étude de l’Insee, parue aujourd'hui, leur attractivité s’est envolée depuis 2016, portée par des jeunes actifs venus de Bordeaux, Toulouse ou Paris. Une “vague tranquille” qui transforme les villages, et parfois les dérange.

Le rural qui fait mentir les clichés

Longtemps, on a dépeint le rural comme un espace vieillissant, déserté, condamné à la lente érosion démographique. Raté. Dans le Sud-Aquitain, du Béarn aux Landes, jusqu’aux contreforts du Pays Basque, c’est tout l’inverse.En 2020, 24 600 personnes s’y sont installées, pour 20 400 départs. Soit un gain net de 4 200 habitants en un an, selon l’étude Insee-Audap publiée ce 7 octobre 2025. Et ce n’est pas qu’un rebond post-Covid : entre 2016 et 2020, l’attractivité des zones rurales s’est nettement renforcée, surtout dans celles dites “autonomes”, hors influence directe d’un pôle urbain.

En 2016, on comptait 109 arrivées pour 100 départs. En 2020 : 134.

Les nouveaux venus : jeunes, diplômés et plus aisés

Les néo-arrivants ont un profil bien précis. Un sur deux a entre 25 et 39 ans, l’âge où l’on fonde une famille, où l’on rêve d’espace, et où le télétravail devient un mode de vie. Ils viennent majoritairement des villes de Nouvelle-Aquitaine (74 %), mais aussi d’Occitanie (8 %) et d’Île-de-France (6 %).Et surtout, ils arrivent avec des moyens : leur niveau de vie médian atteint 22 420 €, supérieur à la moyenne régionale. Dans le Béarn, les nouveaux habitants sous influence d’un pôle affichent même 23 450 € de revenu médian.Bref, ces “nouveaux ruraux” ne sont plus les retraités d’hier, mais des actifs connectés, souvent cadres ou professions intermédiaires.

“J’ai troqué le périph pour un champ de maïs”

Installé à proximité de Dax, Clément, 34 ans, ingénieur dans une boîte d’énergie renouvelable, résume ce basculement :

“Après deux confinements à Bordeaux, on a cherché plus d’espace. Ici, j’ai la fibre, un jardin, et le bureau me laisse libre de m'organiser en télétravail. En 1H20 je suis à Bordeaux , et en 3H20 de train, je suis à Paris si besoin.”

Ce type de parcours, l’Insee le confirme : depuis 2020, 35 % des nouveaux habitants ont parcouru plus de 100 km avant de s’installer. Une migration discrète, mais qui change le visage du Sud-Aquitain. Les écoles rouvrent des classes, les commerces de bourg se maintiennent, mais les prix du foncier flambent, notamment autour de Dax, Bayonne ou Saint-Palais.

Quand la côte basque repousse ses habitants

Si le Sud-Aquitain attire, il repousse aussi. Le coût du foncier sur la côte basque — Bayonne, Anglet, Biarritz, Bidart — atteint des sommets : entre 5 000 et 7 000 €/m² en moyenne, soit deux fois plus qu’en 2015.Résultat : les habitants nés ici s’éloignent, contraints de chercher à se loger dans les villages de l’arrière-pays à Hasparren, Saint-Pée-sur-Nivelle, Cambo-les-Bains, voire jusqu’à Saint-Palais.

“On a dû quitter Bidart pour une maison à 30 km, raconte Marie, 38 ans, aide-soignante. Même avec deux salaires, impossible d’acheter ici.”

Cette migration forcée des “locaux” alimente à la fois la poussée démographique rurale et les tensions sociales : écoles saturées, routes embouteillées, loyers en hausse jusque dans les vallées basques.Une dynamique que les maires observent avec ambivalence :

“Nos communes se repeuplent, mais on perd nos jeunes”, confie un élu d’Hasparren. “Le rural devient le dernier refuge d’un territoire que la spéculation littorale grignote peu à peu.”

Béarn, Landes, Pays Basque : chacun sa dynamique

Dans cette recomposition rurale, chaque territoire joue sa partition :

  • L’Adour Landes Océanes (secteurs de Dax, Seignanx, Maremne) est le plus dynamique, avec +1 200 habitants de solde migratoire en 2020.
  • Le Béarn affiche un équilibre remarquable entre zones “autonomes” et zones sous influence urbaine.
  • Le Pays Basque rural reste une exception : sa partie autonome attire davantage que les communes périurbaines littorales, saturées et hors de prix.
  • Et le Marsan Chalosse Tursan connaît la plus forte progression depuis 2016 (+39 points d’attractivité).

Résultat : la campagne sud-aquitaine ne se vide pas, elle change de visage — plus jeune, plus mixte, plus “bobo” aussi, diront certains maires landais qui voient arriver des trentenaires “avec des vélos cargos et des rêves d’autonomie”.

Et dans les autres régions ?

La tendance n’est pas isolée. La Bretagne et l’Occitanie affichent les mêmes courbes ascendantes :

  • En Bretagne, pour 100 départs, 137 arrivées en 2020, un record national.
  • En Occitanie, le solde migratoire dépasse 40 000 habitants par an, tiré par le littoral et les zones rurales proches de Toulouse.Mais le Sud-Aquitain se distingue par sa densité rurale atypique : 44 % de sa population vit en zone rurale — un équilibre rare dans la moitié sud de la France.Bref, ici, le rural n’est pas la marge du territoire : c’est son cœur battant.

Une “vague tranquille” à gérer

Derrière la carte postale, les défis s’accumulent : logement, transports, services publics.
Les élus ruraux oscillent entre enthousiasme et inquiétude. Car cette attractivité, aussi flatteuse soit-elle, tend déjà le foncier, les loyers et les équipements publics.

“L’attractivité, c’est bien. Mais encore faut-il pouvoir accueillir sans dénaturer nos villages”, soupire un élu de la Chalosse.

Peu à peu, ce “nouvel eldorado des 30-40 ans” prend les allures d’une bulle culturelle, où la frontière ne se lit plus sur une carte, mais dans les mots.
Là où les anciens parlaient basque au café du village, les nouveaux commandent un latte. Et le territoire, lui, cherche encore sa langue commune.

Source INSEE Population Sud Aquitain

Données issues de Insee Analyses Nouvelle-Aquitaine n°164 – « Les territoires ruraux du Sud-Aquitain gagnent encore en attractivité 


FAQ Population du Sud Aquitaine

Quelle est la dynamique démographique du Sud-Aquitain ?

Entre 2016 et 2020, le Sud-Aquitain rural a gagné 4 200 habitants. Les arrivées dépassent les départs dans toutes les zones, selon l’Insee.

Qui sont les nouveaux habitants ?

Principalement des 25-39 ans, jeunes actifs télétravailleurs venus de Bordeaux, Toulouse ou Paris, avec un revenu médian supérieur à 22 000 €.

Pourquoi la côte basque repousse-t-elle ses habitants ?

Les prix dépassent 6 000 €/m² à Biarritz : les locaux s’éloignent vers Hasparren, Saint-Pée ou Saint-Palais, nourrissant la croissance rurale intérieure.

En quoi cette attractivité pose-t-elle problème ?

Le manque de logements, la pression sur les écoles et la perte du lien culturel — notamment la langue basque — fragilisent l’équilibre local.

Le phénomène est-il unique ?

Non. Bretagne et Occitanie connaissent la même vague de néo-ruraux, mais le Sud-Aquitain reste l’un des rares territoires à majorité rurale du Sud.