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Économie

Banijay propulse Betclic dans la cour des grands des paris en ligne

Banijay mise gros sur les paris sportifs en rachetant Tipico pour 3 milliards €. Sa filiale bordelaise Betclic devient le fer de lance d’une division gaming européenne : 6,5 millions de joueurs, 3 milliards € de chiffre d’affaires, 600 emplois à Bordeaux.

Par Jacques FROISSANT
Publié il y a 29 oct.
5 min de lecture
Banijay propulse Betclic dans la cour des grands des paris en ligne
Betclic

Le bordelais Betclic, nouveau fer de lance de Banijay

Banijay, maison mère de Koh-Lanta, Peaky Blinders ou Black Mirror, change de terrain de jeu.
Le groupe français de Stéphane Courbit vient de racheter Tipico, leader du pari sportif en Allemagne et en Autriche, pour 3 milliards d’euros – le plus gros rachat de son histoire.
Un virage stratégique qui propulse sa filiale Betclic, ancrée à Bordeaux, dans une toute nouvelle dimension.

La division Banijay Gaming, sera dirigée par Nicolas Béraud, fondateur de Betclic. Elle pèsera désormais 6,5 millions de joueurs, 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel et 5 300 salariés, dont 600 à Bordeaux. Un bond spectaculaire pour une entreprise qui, il y a six ans, était encore un acteur local.

De Koh-Lanta aux paris sportifs en ligne

Banijay, c’est d’abord un empire du divertissement. Mais alors qu’on l’attendait sur le rachat d’ITV Studios, concurrent britannique de la production télé, le groupe a préféré miser sur un secteur en plein boom : les paris sportifs.
Sur un marché européen en croissance de +4,7 % en 2024, le groupe a préféré miser sur un secteur en pleine consolidation, dominé par des géants comme FDJ United (rachet de Kindred pour 2,5 milliards) ou Flutter Entertainment (acquisition de Snaitech pour 2,3 milliards).

Banijay, désormais valorisé 4,5 milliards en Bourse, entend bien jouer dans la même ligue.

Betclic et Tipico : deux champions complémentaires

Betclic, déjà sous la bannière Banijay depuis 2022, règne sur la France, le Portugal et la Pologne.
Tipico, lui, domine les marchés allemands et autrichiens, fort d’un réseau de 1 250 boutiques physiques.

"Leur union crée un géant européen aux atouts complémentaires : Betclic apporte son expertise digitale et son ancrage français, tandis que Tipico renforce la présence physique avec ses 1 250 boutiques en Allemagne et en Autriche. Une synergie qui pourrait redessiner la carte des paris sportifs en Europe, mais qui devra composer avec des régulations de plus en plus strictes." analyse une experte du secteur.

Selon GlobeNewswire, Banijay rachète 65 % du capital de Tipico au fonds CVC, avec une option de montée à 72 %. L’ensemble atteint 9 milliards d’euros de valorisation combinée, un chiffre d’affaires consolidé de 3 milliards € pro forma 2024 et vise 1,4 milliard d’EBITDA à horizon 2026.
La finalisation est attendue pour mi-2026, après validation des régulateurs européens.

Bordeaux, cerveau numérique du nouvel empire

C’est depuis le quartier Bacalan, à Bordeaux, que 600 collaborateurs pilotent le développement produit, la data et le design de Betclic. "Nous recrutons une centaine de talents chaque année", rappelait récemment Nicolas Béraud. La ville devient ainsi le hub technologique d’un groupe qui vise 1,4 milliard d’EBITDA d’ici 2026.

Pour la Nouvelle-Aquitaine, l’enjeu est de taille : contribuer à transformer Bordeaux en un pôle tech européen, au-delà de son image de vitrine de la French Tech. Betclic incarne cette ambition, avec une croissance qui contraste avec le marasme actuel de l’écosystème local.

Un secteur en plein boom… mais sous haute surveillance

Avec ce rachat, Stéphane Courbit, PDG de Banijay, double la taille de sa division gaming et fait de Banijay le n° 4 européen des paris sportifs.
Mais il parie aussi sur un secteur qui fait face à de nombreux défis :

  • Régulation : La France et les Pays-Bas préparent des hausses de taxation sur les jeux d’argent.
  • Concurrence : La Commission européenne scrute les opérations de concentration.
  • Addiction : Les autorités multiplient les exigences en matière de prévention.

Un cocktail qui peut s'avérer aussi sulfureux que les Peaky Blinders ?

"Le secteur est critiqué pour son impact social – addictions, publicités agressives, scandales financiers – et subit une pression réglementaire croissante. En France comme en Allemagne, les taxes et restrictions se durcissent, mettant à l’épreuve un modèle économique basé sur la croissance et l’agilité fiscale", souligne un observateur.

Pour Banijay, le succès dépendra donc autant de son innovation que de sa capacité à naviguer dans un cadre légal de plus en plus hostile.

Bordeaux, future capitale du pari en ligne ?

Avec Betclic, la métropole girondine dispose d’un champion continental, capable de rivaliser avec les géants du secteur, tout en restant ancrée dans son territoire. Une réussite qui tranche avec les difficultés de la French Tech Bordeaux qui peine à trouver des success stories. Cette ascension est une bouffée d’oxygène.

Mais cette ascension soulève une question : comment concilier l’essor d’une filière controversée avec l’ADN d’un territoire attaché à l’innovation responsable ? Le gaming, souvent perçu comme sulfureux, s’intègre mal à l’image traditionnelle de Bordeaux, plus associée à l’industrie, au vin ou à la deep tech.

Si le gaming bordelais n’a ni les paillettes de Koh-Lanta ni le glamour des productions télévisuelles, il en partage pourtant l’essentiel : une stratégie audacieuse, une gestion calculée des risques et un sens aigu du spectacle.

Avec ce rachat, Bordeaux se retrouve avec une carte maîtresse. Reste à savoir si ce coup d’éclat suffira à faire de la ville un acteur incontournable de la tech européenne… ou si le pari s’avérera trop risqué pour un territoire en quête d’équilibre entre croissance et responsabilité.

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