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Société

Retraites : l’écart de 27 % entre hommes et femmes, révélateur de l’inégalité salariale

En France, les femmes touchent 27 % de moins que les hommes à la retraite. Et personne ne s’en émeut. L’OCDE frappe là où ça fait mal : si l’écart salarial recule lentement, l’écart de pension explose.

Par Jacques FROISSANT
Publié il y a 1 déc.
4 min de lecture
Retraites : l’écart de 27 % entre hommes et femmes, révélateur de l’inégalité salariale
Retraites : l’écart de 27 % entre hommes et femmes Photo by Land O'Lakes, Inc. / Unsplash

Un écart qui se creuse quand la carrière s’arrête

L’écart de salaire entre femmes et hommes revient souvent sur le devant de la scène, alimenté par des chiffres connus et une indignation ritualisée. Mais l’OCDE vient de braquer le projecteur ailleurs : sur les pensions. Et là, la réalité française détonne.

Dans son Panorama des pensions 2025, l’organisation rappelle que la France affiche 27 % d’écart de pension entre les sexes, au-dessus d’une moyenne OCDE déjà élevée de 23 %. Autrement dit, une femme retraitée touche un quart de moins qu’un homme. Pas un détail technique, mais le résultat d’une accumulation silencieuse d’inégalités de carrière.

L’inégalité salariale n’est que la partie émergée

L’écart salarial horaire moyen dans l’OCDE tourne autour de 11,4 %. On le connaît. On le commente. Puis on passe à autre chose.
La bascule se produit au moment de la retraite. Les règles de calcul, pensées pour des parcours continus, reflètent mécaniquement les carrières féminines plus hachées. Temps partiels subis, interruptions pour enfants, plafonds de verre, salaires inférieurs : chaque étape laisse une trace dans les droits acquis.
Le système ne corrige pas les inégalités de salaires au moment de la retraite. Au contraire, il valide et même accentue l'écart.

Le couple, amortisseur statistique et cache-misère

Au niveau du ménage, l’écart chute à 10 %. Un chiffre plus rassurant, mais totalement biaisé. Les pensions s’additionnent. Le mari compense la faiblesse de la pension de sa conjointe. L’inégalité disparaît dans la statistique, pas dans la vie réelle.
Quand la femme vieillit seule – veuvage, séparation, célibat tout au long de la vie –, l’illusion se dissipe immédiatement. Les droits individuels reprennent le dessus. La pension de réversion, quand elle existe, ne comble pas la perte.
Même les dispositifs liés aux enfants, souvent mis en avant, n’ont “que légèrement” réduit les écarts dans certaines générations, souligne l’OCDE. Rien qui inverse la tendance.

Un système construit pour les carrières masculines

Les régimes contributifs amplifient mécaniquement les écarts. Moins de salaires cumulés, moins de trimestres, moins de points : tout se paye. Le modèle français n’est pas inégalitaire « par accident ». Il est tout simplement conçu pour des carrières linéaires, continues, souvent masculines, avec forte présence dans les régimes complémentaires.
Les carrières féminines s’ajustent mal à cette architecture. Et la France n’est pas seule : l’OCDE observe la même mécanique ailleurs. Dès que les contributions baissent, le trou se creuse. Implacable.

Les projections du Conseil d’orientation des retraites, reprises par l’OCDE, prévoient un écart réduit à 7 % en 2060. À l’échelle politique, c’est demain. À l’échelle humaine, c’est une éternité. La génération actuelle n’en verra pas la couleur.

Les vraies pistes de réforme des retraites... qu’on repousse depuis vingt ans

Les pays qui limitent l’écart investissent massivement dans les premiers piliers : pensions minimales robustes, dispositifs universels, correction automatique des interruptions de carrière. Rien de spectaculaire, mais des filets solides.
En France, on privilégie les discours. L’égalité salariale reste la bataille “visible”, politiquement lisible, facile à scénariser. L’égalité de pension, elle, reste un sujet technique, discret, et pourtant révélateur de la fracture la plus profonde du marché du travail.

Une question de justice sociale, pas d’arithmétique

Le débat sur les retraites s’accroche aux âges, aux décotes et à l’équilibre financier du système. L’OCDE rappelle pourtant l’angle oublié : la justice entre les sexes au moment où l’on cesse de travailler. Une bataille qui ne se joue pas à 30 ans, mais à 65.
La France aime raconter que l’égalité progresse. C’est vrai pour les salaires, encore très imparfaitement. Pour les retraites, les données de l’OCDE disent l’inverse : l’inégalité réapparaît précisément quand les femmes deviennent les plus vulnérables.
Si l’on devait retenir un indicateur sérieux de l’égalité réelle, ce ne serait pas l’écart salarial. Ce serait l’écart de pension. Et aujourd’hui, il reste énorme, tandis que le monde politique regarde ailleurs.

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Par Jacques FROISSANT

Directeur de la publication

Bordelais, œnologue, tout allait bien… jusqu’à ce que je dérape dans l’entrepreneuriat RH pour les startups. 😉 Auteur et chroniqueur (L’Express, FrenchWeb, France 3 NOA...), je suis aujourd’hui cofondateur et rédacteur en chef d’AQUI.Media

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