Opinion : Le capitalisme est-il soluble dans le monothéisme ?
Produire ou se reproduire : voilà le dilemme des civilisations. Après avoir triomphé grâce au capitalisme, l’Occident risque l’extinction faute d’équilibre.
Produire ou se reproduire : voilà le dilemme des civilisations.
Après avoir triomphé grâce au capitalisme, l’Occident risque l’extinction faute d’équilibre.
Le diptyque fondateur : produire et se reproduire
Les sociétés fonctionnent sur le diptyque production / reproduction.
Si elles ne produisent pas de richesses, elles meurent de faim, si elles ne se reproduisent pas elles meurent de vieillesse.
Les sociétés qui ont un système de production / reproduction efficace éliminent les sociétés moins efficaces en étant plus puissantes et plus nombreuses.
Les sociétés fonctionnent historiquement sur un logiciel religieux. Les religions qui se sont imposées l’on fait car elles donnaient un avantage évolutif aux sociétés sur le diptyque production / reproduction.
C’est pour cela que les grandes religions, du christianisme à l’islam en passant par l’hindouisme, encadrent la famille, sacralisent les lignées, favorisent ouvertement la perpétuation, tout en valorisant le travail et facilitant la coopération productive. Produire et se reproduire deviennent des commandements divins déclinés en règles du quotidien.
Amusant d’ailleurs que la punition d’Adam et Ève pour avoir goûté le fruit de la connaissance soit de devoir travailler (produire) et souffrir en couche (se reproduire). Ainsi le grand secret divin ne serait pas tant la différence entre le bien et le mal, que la compréhension profonde que produire et se reproduire sont des souffrances nécessaires, une condamnation divine pour qui ne veut pas être annihilé. (Pas mal celle-là non ?)
Quand le capitalisme bouleverse l’équilibre
L’Occident a rompu l’équilibre des civilisations-religions en créant une nouvelle idéologie séculière, le capitalisme, infiniment supérieure à toutes les religions en matière de production. Et comme il bénéficiait encore du christianisme pour assurer sa reproduction, le fait que le capitalisme ne s’occupe que de la moitié des besoins d’une civilisation n’a pas été évident immédiatement.
L’efficacité du capitalisme dans la création de richesses est telle qu’à l’instar d’un nouveau super prédateur dans un écosystème fragile, il a agit en accélérateur évolutif, forçant toutes les civilisations à évoluer rapidement ou à disparaître. Les civilisations qui n’adoptaient pas une certaine dose de capitalisme se sont retrouvées dominées par celles qui le faisaient. Les hiérarchies ancestrales se sont retrouvées bouleversées, jusqu’à ce que toutes les civilisations finissent par adopter le capitalisme.
Le capitalisme semble mal cohabiter avec les religions au sein d’une même zone civilisationelle. Sur le long terme, il a tendance à les éliminer. Ou tout du moins il perturbe fortement la structure sociale qui permet de faire des enfants (femmes qui travaillent, esprit de rationalisation mercantile, incitations individualistes et hédonistes, etc.) Le capitalisme est une irrésistible machine à produire qui réorganise les sociétés au détriment de tout le reste, y compris le besoin fondamental de se reproduire.
La stérilité des sociétés modernes
Ainsi, alors que toutes les sociétés ont dû adopter le capitalisme pour survivre, elles sont toutes devenues stériles.
Certaines sont devenues plus stériles que d’autres. Souvent parce qu’elles étaient meilleures au jeu du capitalisme ou parce qu’elles bénéficiaient de structures familiales reproductrices plus malléables.
La Corée du Sud est à la fois l’exemple incroyable d’un peuple qui est passé en l’espace d’une seule génération du niveau de développement d’un pays d’Afrique sub-saharienne à celui d’un pays Européen par la seule grâce du capitalisme, et aussi l’exemple d’un peuple qui a tellement détruit toutes ses structures familiales pour en arriver là qu’il est désormais au bord de l’extinction.
Il est donc possible qu’à long terme, les sociétés religieuses fassent leur grand retour, car même si elles sont moins efficaces sur la production, elles bénéficient d’un équilibre production / reproduction qui s’est avéré résilient à l’échelle des millénaires.
Néanmoins les préférences révélées nous montrent que la plupart des gens qui ont goûté au capitalisme ne veulent plus de cette vie dominée par la religion. Il faudrait sans doute passer par un effondrement total et dramatique des sociétés capitalistes pour que l’oubli de ses richesses puisse assurer le retour des sociétés religieuses.
Vers un nouveau logiciel civilisationnel ?
Il nous reste donc une seule solution, pérenne et enviable : réussir à compléter ou dépasser le capitalisme, afin de mettre à jour une doctrine complète qui permette des niveaux de production dignes du capitalisme et des niveaux de reproduction dignes des monothéismes.
Le fait que l’IA s’apprête à totalement chambouler l’organisation du capitalisme semble être le moment idéal pour inventer un nouveau logiciel civilisationnel.
Reste à trouver comment articuler libération du fardeau du travail et retour de la fécondité, alors que l’alliance naturelle semble plutôt être entre libération du fardeau du travail et hédonisme redoublé.
Cette question revient ni plus ni moins à trouver un nouveau compromis civilisationnel entre production et reproduction.
C’est-à-dire devenir prophète, fondateur d’une nouvelle religion pour une nouvelle civilisation régénérée.
La tâche est immense.
Joan L.
Entrepreneur
Mots-clés :
Articles similaires

L’édito politique du mercredi : Sébastien Lecornu : un grognard à Matignon
La nomination de Sébastien Lecornu est tout sauf une surprise. La passation de pouvoir prévue aujour...

TER : Nouvelle-Aquitaine en croisade contre les tarifs SNCF
TER trop chers : la Nouvelle-Aquitaine mène la fronde contre SNCF Réseau. 4,5 milliards par an en je...

Éric Agostini, une vie au service des vins de Bordeaux
Il n’a jamais taillé la vigne, mais il en a protégé l’âme. Dans les prétoires comme dans les amphith...