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Lège‑Cap‑Ferret : le poids de l’eau des piscines

Avec plus de 2 200 piscines pour 8 100 logements, Lège-Cap-Ferret illustre la tension entre attractivité touristique et enjeux écologiques. Consommation d’eau, artificialisation des sols et perte de végétation questionnent l’avenir d’un territoire déjà sous pression.

Par la rédaction
Publié il y a 44j
3 min de lecture
Lège‑Cap‑Ferret : le poids de l’eau des piscines
Photo @Aqui.Media

Une image de carte postale… mais à quel prix ?

Elles font rêver les estivants, valorisent les locations saisonnières et incarnent un certain art de vivre ferretcapien : les piscines privées sont devenues un élément quasi incontournable du paysage immobilier local.
Mais alors que le littoral est confronté à la sécheresse, à l’érosion et à la surfréquentation, leur impact écologique soulève des questions. Aucune réflexion n’a jamais été réellement menée du côté des autorités municipales sur le sujet et pourtant…

2 200 piscines privées estimées à Lège-Cap-Ferret

D’après un recoupement entre les données cadastrales, le PLU et les plateformes de location (Airbnb, Abritel), on estime qu’environ 2 200 maisons disposent d’une piscine sur les quelque 8 100 logements recensés sur la commune. Cela représente près de 27 % du parc résidentiel, majoritairement secondaire.
Un simple survol sur Google Maps suffit à en prendre la mesure.

Une consommation d’eau discrète mais significative

À l’échelle nationale, une piscine consomme en moyenne entre 10 et 15 m³ d’eau par an, en incluant le remplissage initial, le renouvellement partiel en cas de fuite ou de nettoyage, et l’appoint pour compenser l’évaporation.
Pour la commune de Lège-Cap-Ferret, cela représente entre 22 000 et 33 000 m³ par an, soit l’équivalent de la consommation annuelle de 200 à 300 foyers classiques.

Cette consommation s’ajoute à une pression déjà forte sur la ressource hydrique du territoire, notamment en été. La commune est alimentée par les nappes profondes du Médoc et du Nord Bassin, elles-mêmes sous tension pendant les pics touristiques. Dans le quartier du Haut Canon, où un puits alimente tout le secteur, la multiplication des piscines entraîne désormais des chutes de débit, voire des coupures ponctuelles.

À l’heure du réchauffement climatique, il serait temps de se poser des questions au Cap-Ferret, mais aussi tout autour du Bassin d’Arcachon.

L’imperméabilisation des sols liée aux piscines

Derrière la piscine, il y a souvent une dalle bétonnée, une large terrasse aménagée et un chemin d’accès carrossable. Conséquence : on abat des pins pour faire de la place et éviter les épines dans l’eau.

Chaque construction de piscine participe ainsi à l’artificialisation des sols, qui s’ajoute à celle causée par les nouvelles villas, souvent plus vastes et moins compactes que les anciennes constructions.
On est passé d’une villa type des années 1960-1980, avec une emprise au sol de 100 m² pour un terrain de 1 000 m², à des emprises avoisinant désormais 300 m², auxquelles s’ajoutent piscine et carpark, soit parfois près de 70 % de bâti.

Résultat : moins d’espaces végétalisés, plus de ruissellements, une réduction de la capacité du sol à absorber les eaux de pluie et une montée des températures locales par effet d’îlot de chaleur.

Malgré les garde-fous réglementaires, comme l’obligation de préserver une partie de la végétation existante, l’artificialisation des sols progresse rapidement.

Le Cap-Ferret sous les pins ne sera bientôt plus qu’un souvenir ?

La piscine : un enjeu symbolique et environnemental

À Lège-Cap-Ferret, comme partout autour du Bassin d’Arcachon, le débat dépasse la seule question de l’eau. Il interroge un modèle d’aménagement et une tension entre attractivité touristique et sobriété écologique, entre un territoire unique fait de pinèdes, de sable et de villas d’exception et l’envie individuelle de confort et de prestige.

Peut-on conserver l’esprit du Cap sans renoncer à ses arbres ? Peut-on concilier piscine privée et cohérence écologique ?
La réponse passera sans doute moins par l’interdiction que par une nouvelle manière de penser la relation au paysage : vivre avec lui, plutôt que sur lui.

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