Le dialogue social à la française, une illusion perdue
1936, 1945, 1968, notre histoire sociale est marquée par des mouvements de fonds portés par les syndicats, qu'il soit réformiste ou révolutionnaire, qui ont profondément changé la vie des salariés. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Le militantisme émane de plus en souvent du corporatisme.
Alors que les appels à manifester et à bloquer le pays le 10 septembre se multiplient, se pose la question du dialogue social et du corporatisme à la française.
La France est un pays révolutionnaire par essence. Notre histoire républicaine débute par la prise de la Bastille, se poursuit par les têtes des nobles sur des pics, par la Commune de Paris, par mai 1968, etc. A chaque fois les acquis sont obtenus par une violence qui serait légitimée par une situation de domination outrancière d’une classe sociale au détriment de la majorité.
Force est de constater qu’un gouvernement ne cède que lorsque le rapport de force est en sa défaveur. C’est un constat affligeant pour notre démocratie basée sur le vote.
L’exemple le plus emblématique est la colère du monde agricole. Depuis les premières jacqueries, il a toujours fait trembler les pouvoirs en place. Souvenons-nous du Salon de l’Agriculture en 2024 dont l’inauguration prévue à 9h00 par Emmanuel Macron n’a pu avoir lieu qu’à 13h encadrée par une compagnie de C.R.S. ou le blocage récent des autoroutes par des tracteurs. Chaque fois que le monde agricole s’embrase, les gouvernements cèdent et aucune action en justice n’est intentée et ce quelles que soient les dégradations commises. Ce constat perdure sous des gouvernements de droite qui se réclament de l’autorité mais sont totalement inféodés à la F.N.S.E.A. comme sous ceux de gauche qui ont peur d’être taxés d’écolos décroissants.
Il en est de même pour les routiers ou les taxis qui peuvent en quelques heures bloquer le pays. Une nouvelle taxation sur le gasoil provoque irrémédiablement la mise en place de barrages qui eux-mêmes conduisent tout gouvernement à céder.
Cette forme de violence corporatiste serait donc chose acceptable.
A contrario, prenons l’exemple des salariés d’Air France qui déchirent la chemise de leur D.R.H. C’est un déchainement contre les syndicats qui ne seraient pas capables de négocier et de tenir « leurs troupes ». Ce sont aussi les salariés de Ford à Blanquefort amenés par un Philippe Poutou en grande forme qui envahissent le salon de l’automobile et qui ressortent encadrés par les C.R.S. et qui, in fine, voient leur usine fermer.
Cela montre l’affaiblissement des syndicats, la fin des fameux corps intermédiaires jugés inutiles par Macron. Nous sommes loin des grandes grèves qui ont fondé notre modèle social. Le syndicalisme est dans un coma avancé et laisse la place à des mouvements non contrôlés, à des manifestations de plus en violentes et le champ libre à des mouvances de l’ultra gauche ou de l’ultra droite qui cherchent à ébranler notre système démocratique.
La rentrée sociale et politique sera centrée sur le vote d’un budget présenté par un gouvernement composé d’alliances contre nature et des oppositions qui n’ont que le mot censure comme contre argument. Sans vouloir jouer les Cassandre, notre démocratie vacille.
On se gausse volontiers de nos voisins allemands mais chez eux la culture du compromis est inscrite dans les gènes et les syndicats dialoguent d’égal à égal avec le patronat rendant le risque de grèves et de manifestations quasi nul … Parfois il est bon de regarder ailleurs.
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