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Elixir Aircraft : la pépite rochelaise restée sous le radar qui s’offre désormais l’Amérique

À La Rochelle, on ne construit pas que des bateaux : Elixir Aircraft décroche la FAA Part 23, sésame qui ouvre le marché américain de l’aviation générale.

Par la rédaction
Publié il y a 7j
5 min de lecture
Elixir Aircraft : la pépite rochelaise restée sous le radar qui s’offre désormais l’Amérique
Photo @Elixir Aircraft

À La Rochelle, on ne construit pas que des bateaux : on fabrique aussi des avions qui séduisent l’Amérique. Elixir Aircraft vient d’obtenir le graal : la FAA Part 23, sésame qui ouvre les portes du premier marché mondial de l’aviation générale.

De la mer au ciel, un destin singulier

Arthur Léopold-Léger n’a jamais vraiment choisi entre ciel et mer. Fils d’un marin devenu constructeur d’avions en kit, il a grandi entre La Trinité-sur-Mer, fief de la course au large, et Dijon-Darois, capitale française de l’aviation générale. Une double culture qui l’a façonné : d’abord navigateur, il construit son propre bateau et prend le départ de la Mini Transat. Mais en 2013, un naufrage au milieu de l’Atlantique met fin à ses rêves océaniques.

Pas question de rester cloué au sol. Il décide alors de se tourner vers l’aviation, avec une idée simple et un peu folle : créer un avion moderne, robuste et écologique pour répondre à la demande croissante des écoles de pilotage. Avec Cyril Champenois et Nicolas Mahuet, deux amis, il fonde Elixir Aircraft, d’abord dans un garage sans le sou. En 2017, leur prototype s’envole pour la première fois. Trois semaines plus tard, Arthur repart traverser l’Atlantique — cette fois par les airs.

La suite s’accélère : certification européenne en 2020, premières livraisons en 2022, et en juillet 2025, le Graal : la certification américaine FAA Part 23. Dix ans après ses débuts artisanaux, Elixir Aircraft s’impose comme l’un des constructeurs les plus prometteurs de l’aviation légère mondiale.

La voile de compétition comme inspiration

Elixir Aircraft est née en 2015 de la frustration des trois fondateurs pilotes. L’aviation légère stagnait : des modèles vieillissants, gourmands en carburant, coûteux à maintenir. Eux rêvent d’un avion simple, sûr et moderne, utilisant le Carbon OneShot, une technologie composite issue de la voile de compétition, pour simplifier les structures. Plus de simplicité signifie moins de pannes, donc une sécurité accrue, mais aussi moins de maintenance et des coûts réduits. 

En 2020, l’Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA) délivre la certification CS-23. L’Elixir, petit biplace élégant, devient le premier nouvel avion français certifié depuis un demi-siècle. Un exploit passé relativement inaperçu hors du milieu aéronautique, mais qui change la donne. L’ENAC, Airbus Flight Academy ou encore Leading Edge Aviation renouvellent leur flotte avec l’Elixir. Aujourd’hui, 40 appareils volent en Europe, 60 autres sont en commande.

Innovation et simplicité

Ce qui distingue l’Elixir, ce n’est pas seulement son design élégant. C’est une philosophie : simplifier à l’extrême. “Less is more” se plaisait à rappeler le fondateur d’Apple, Steve Jobs.  Là où un Cessna ou un Piper cumulent des centaines de pièces rivetées, l’Elixir réduit tout grâce au Carbon OneShot. Résultat : moins de maintenance, moins de carburant, moins de casse.

Le message tombe à pic dans un secteur aérien sous pression écologique. Former un pilote coûte cher, mais le faire sur des avions qui consomment moins et polluent moins devient un argument décisif. À l’heure où l’aviation de loisir est souvent accusée de tous les maux, Elixir propose une voie alternative crédible.

Le jackpot américain

Mais l’Europe n’est qu’un terrain d’échauffement. La cible est claire : les États-Unis. C’est là que se forment chaque année 8 000 pilotes professionnels, sur un total mondial estimé à 600 000 à former d’ici vingt ans. Les écoles de pilotage y sont des clients massifs et exigeants, prêtes à commander des flottes entières si le produit est fiable.

Avec son avion trois fois moins coûteux à exploiter et 70 % moins émetteur de CO₂, Elixir a su séduire. Cirrus Aviation, école de Sarasota (Floride), en a déjà réservé 12. Sierra Charlie Aviation, basée en Arizona, en attend 100. Et ce n’est qu’un début.

À Oshkosh, gigantesque rassemblement aéronautique du Wisconsin où Elixir exposait pour la 4e année, la certification FAA Part 23 a fait l’effet d’un feu d’artifice. D’un coup, la petite entreprise rochelaise sort de l’ombre et se retrouve propulsée sur la carte mondiale.

Une construction made in La Rochelle

Ce succès n’est pas qu’une victoire symbolique. Il illustre une tendance qu’on croyait perdue : la réindustrialisation à la française. Avec trois sites de production autour de La Rochelle, Elixir Aircraft emploie aujourd’hui plus de 200 personnes et prévoit encore près de 300 recrutements pour suivre la cadence.

Bpifrance, qui avait participé à une levée de fonds en 2024, voit dans Elixir « un exemple de startup industrielle française capable de conquérir le monde ». Marquant dans le pays ayant inventé l’aviation légère, délaissée au profit de géants comme Airbus ou Dassault.

Réussir le défi USA

La prochaine étape est claire : réussir et développer la récente implantation aux États-Unis. Un site de support et de formation vient d’ouvrir à Sarasota, en Floride. De là partiront les livraisons, la maintenance, la logistique des pièces détachées. 

« La certification FAA est une étape cruciale. Elle donne accès au plus grand marché du monde », déclare Arthur Léopold-Léger.

Mais le défi sera immense. Passer de la PME innovante à l’industriel international demande une montée en puissance spectaculaire : production, services, financement. D’autant que les géants américains ne resteront pas les bras croisés.

La pépite qui fait rêver

À La Rochelle, on ne se contente plus d’applaudir les marins : on célèbre aussi des constructeurs d’avions. Dans une ville réputée pour ses chantiers navals et son port de plaisance, Elixir Aircraft s’impose comme une pépite improbable. Et pourtant, dix ans après ses débuts artisanaux, l’histoire est bien réelle : innovation de rupture, ancrage local, levées de fonds et désormais conquête internationale.

Née face à l’océan, l’entreprise a choisi de viser le ciel. Une revanche symbolique pour un territoire trop souvent cantonné au nautisme, et la preuve qu’on peut, depuis La Rochelle, écrire une success-story mondiale.

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