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Bordeaux fête le Vin 2026 annulé : la gueule de bois ?

Faute de budget, Bordeaux fête le Vin met les voiles. Le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB) et le monde du vin sont en crise.

Par la rédaction
Publié il y a 13j
4 min de lecture
Bordeaux fête le Vin 2026 annulé : la gueule de bois ?

Faute de budget, la fête du vin met les voiles. Le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB) et le monde du vin sont en crise. Au point de couper les 600 000 € nécessaires à l’organisation de Bordeaux fête le Vin 2026 ! Elle devrait revenir en 2027 à l’occasion de la venue du 7 au 11 juillet de la Tall Ships Race.

Le communiqué de presse cosigné par le CIVB, et l'Office de Tourisme et des Congrès de Bordeaux Métropole (OTCBM), reste discret. Mais le constat est là, le contexte économique de la filière vin n’est pas bon, loin s’en faut, et le CIVB préfère se retirer.

L’événement 2025, pourtant jugé réussi, avait mobilisé plus de 1 200 professionnels, 35 500 pass dégustation vendus, et servi 250 000 verres aux visiteurs. Mais malgré une ambiance festive, les comptes n’étaient pas au beau fixe : 2 millions d’euros de budget, dont plus de 360 000 € de subventions publiques, et des recettes de billetterie et sponsors justes suffisantes pour équilibrer le tout. Une question revient pourtant chez certains professionnels : le CIVB est-il capable de gérer un événement de cette taille ? 

« C’est une décision de gestion responsable dans un contexte économique tendu pour la filière », justifie Bernard Farges, Président du CIVB. Le ton est sérieux, presque technique. Mais la réalité derrière les chiffres, elle, ne l’est pas moins.

Vins de Bordeaux : des raisins de la colère

Derrière l’annulation se cache un malaise profond. Et les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2024. Les recettes issues des Cotisations Volontaires Obligatoires (CVO), principal outil de financement collectif de la filière, chutent à 20,6 millions d’euros. Soit un recul de 8 % par rapport à l’année précédente, et loin du sommet de près de 30 M€ atteint en 2017 (Source Vitisphere).

Cette baisse traduit un effondrement des volumes commercialisés, combiné à des prix en berne. Les petites exploitations trinquent, les ventes en grande distribution s’effritent, les exportations piquent du nez. Résultat : les vignerons ne peuvent plus suivre, les coopératives souffrent, et l’interprofession taille dans ses actions de communication.

Faut-il vraiment faire une fête, non rentable, quand une partie de la filière est au plus mal ? À Bordeaux, la question se pose.

La cuvée 2027 ? Grandiose ou gadget ?

Le CIVB ne veut pas parler d’abandon. Plutôt d’une parenthèse avant un retour en fanfare : 2027 coïncide avec la Tall Ships Race, la course des grands voiliers, dont Bordeaux sera ville de départ du 7 au 11 juillet. L’idée : fusionner les deux événements, pour créer une « édition inédite » de Bordeaux Fête le Vin, où le public pourra déguster des Bordeaux à l’ombre d’un trois-mâts.

Jusqu'à 1 million de visiteurs sont attendus sur les quais. Les projections des collectivités évoquent des retombées touristiques supérieures à 25 M€, si l’on en croit les chiffres observés lors des éditions à Helsinki ou Liverpool.

Mais ce pari sur le spectaculaire ne convainc pas tout le monde. Du côté des professionnels du vin, certains s’interrogent : va-t-on vraiment vendre plus de bouteilles grâce à un grand voilier polonais ou danois ? Ou simplement amuser la galerie sans traiter le fond ?

Le CIVB semble préférer une grande vitrine à une présence continue, alors que la filière a besoin de visibilité chaque année, pas d’un feu d’artifice ponctuel.

Un CIVB en mode survie

La décision d’annuler 2026 révèle aussi les choix de l’interprofession : prioriser les actions à l’export, resserrer les budgets de communication, et concentrer les efforts sur quelques événements majeurs, au détriment de la visibilité locale.

Il faut dire que la maison brûle. Les vignerons tirent la sonnette d’alarme, et pas seulement à cause de la météo. Depuis 2022, les crises se succèdent : baisse de la consommation, désaffection des jeunes, stocks invendus, gel, mildiou,...  Crises conduisant à des plans d’arrachage de vignes en Gironde (près de 9 500 ha concernés).

Dans ce contexte, Bordeaux Fête le Vin faisait figure de respiration, voire d’antidépresseur collectif. Qu’on l’annule, même temporairement, donne un signal : la filière n’est plus en fête. Elle est en apnée.

L’heure de faire des grands choix

Le monde du vin bordelais est à un carrefour. Au-delà de la vitrine des grands crus, la plupart des exploitations viticoles du bordelais sont en crise. Le mode de consommation des vins évoluent considérablement. Le vin bio, la biodynamie, les vins naturels, les vins de cépage, les vins de marque sont quasi aux abonnés absents des réflexions du CIVB. 

Si Bordeaux veut rester une capitale du vin, il lui faudra plus que des grands voiliers et des slogans touristiques. Il lui faudra du courage politique, de l’investissement ciblé, et surtout un plan pour sauver ses vignerons, pas seulement son image de marque.

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