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French Tech : la Nouvelle-Aquitaine embauche, Paris déraille

Baromètre EY/France Digitale 2025 : en Nouvelle-Aquitaine, 22 000 emplois startups (+14 %) mais des levées de fonds en chute libre face au chaos politique.

Par la rédaction
Publié il y a 2h
5 min de lecture
French Tech : la Nouvelle-Aquitaine embauche, Paris déraille
Baromètre EY - France Digitale

Le baromètre EY/France Digitale 2025 vient de sortir offre un portrait en clair-obscur de l’écosystème français de l’innovation. D’un côté, des startups qui continuent de créer de l’emploi.. De l’autre, un effondrement brutal des levées de fonds et une instabilité politique nationale qui fragilisent tout le système. La Nouvelle-Aquitaine illustre ce paradoxe : l’emploi explose, mais les levées de fonds s’effondrent.

Un baromètre EY/France Digitale 2025 remanié

Chaque année, France Digitale et EY publient leur baromètre annuel sur la performance économique et sociale des start-up et des fonds de capital-risque français. Nouveauté cette année : le baromètre intègre aussi la performance des structures d’accompagnement (incubateurs, accélérateurs...). Il est toujours très intéressant de s’y plonger pour analyser l’éco-système Frenchtech. 

La Nouvelle-Aquitaine embauche à contre-courant

C’est le chiffre qui redonne le sourire : la Nouvelle-Aquitaine compte désormais 22 000 emplois liés aux startups, en hausse de 14 % en un an. C’est mieux que la moyenne nationale (+11,5 %). L’écosystème régional embauche, même si le nombre de startups recule : 1 030 en 2025 contre 1 095 en 2024, soit -6 %. 2025 s’annonce par contre beaucoup plus compliqué compte tenu des chiffres de défaillances (https://www.aqui.media/article/defaillances-dentreprises-lhecatombe-se-poursuit-en-nouvelle-aquitaine).

Moins de structures, mais des entreprises qui résistent et consolident leurs effectifs. Cette croissance passe donc davantage par la maturation des plus grosses startups que par l’arrivée de nouvelles pousses.

Et contrairement à ce que l’on croit parfois, l’innovation néo-aquitaine ne se limite pas à Bordeaux.

  • Bordeaux concentre la French Tech, les startups numériques, l’IA et l’e-santé.
  • Niort reste la capitale française de l’assurtech et de la fintech, portée par les grands acteurs mutualistes.
  • Pau s’ancre dans l’industrie et l’énergie, avec un tissu deeptech lié à la mobilité et aux géosciences.La Rochelle est un bastion de la greentech et de l’économie maritime (nautisme, environnement) et même de l’aviation avec Elixir (https://www.aqui.media/article/elixir-aircraft-la-pepite-rochelaise-restee-sous-le-radar-qui-soffre-desormais-lamerique)
  • Le Pays Basque développe des projets dans la sportech, l’océan et le climat, souvent adossés à la surf culture et aux technologies côtières.
  • Limoges capitalise sur ses compétences historiques dans les matériaux innovants, le luxe et la santé.
  • Périgueux et la Dordogne s’affirment dans l’agritech et l’agroalimentaire durable, avec un fort ancrage dans les circuits courts et la traçabilité.

Autant de pôles spécialisés qui montrent que l’innovation régionale est polycentrique, et non concentrée uniquement sur la métropole bordelaise.

Le crash des financements

À l’échelle nationale, le contraste est frappant. La France compte 16 200 startups, en progression plus lente (+1 200 en un an contre +3 500 entre 2023 et 2024). L’écosystème vieillit, se stabilise, mais crée toujours de la valeur avec 1,45 million d’emplois au total, dont 500 000 internes.

Mais là où ça coince, c’est dans les financements, Mistral étant l’arbre qui cache la forêt. Au niveau de la Région Nouvelle-Aquitaine, les levées de fonds passent de 465 M€ en 2024 à seulement 54 M€ au premier semestre 2025 ! Une dégringolade qui illustre la tendance nationale : -35 % en valeur et -24 % en volume de deals par rapport à l’an dernier.

Les jeunes pousses en seed ou série A trinquent les premières : dossiers retoqués, valorisations rabotées, “down run” . Le “retour de bâton” de la Startup Nation est là. Seuls les logiciels BtoB, l’IA et quelques greentech tirent encore leur épingle du jeu. En les VCs ont le moral dans les chaussettes, faisant face à un ajustement sans précédent dans leur portefeuilles d’investissement et des choix cornéliens dans ce qui peut être sauvé de la course folle à la licorne.

Quand Paris complique tout

Comme si cela ne suffisait pas, les startups se heurtent à un autre mur : l’instabilité politique nationale. Entre gouvernements éphémères, lois de finances rabotées et dispositifs fiscaux affaiblis (CIR, CII, statut JEI), l’écosystème a l’impression d’avancer sur dans des sables mouvants.

Le baromètre rappelle en outre de dangereuses dépendances, aptes à fragiliser les financements dans cette période de disette :

  • 33 % des ressources des incubateurs viennent des subventions,
  • 20 % des actifs des VCs reposent sur des fonds publics, abondée par la BPI,
  • 11 % du CA des startups dépend d’acheteurs publics.

Conséquences : perte de trésorerie, reports d’investissements, gels d’embauches. Et 14 % des startups envisagent déjà de réduire leurs effectifs dans les 12 prochains mois (contre 5 % en 2024). La bonne santé de l’emploi est en grand danger. Les premiers signes sont déjà là.

L’Europe comme refuge

Le baromètre souligne un point fort : le chiffre d’affaires consolidé mondial des startups françaises progresse de +16 % en un an, porté avant tout par l’international. Les marchés européens apparaissent comme les plus dynamiques, offrant pour le moment plus de visibilité que notre marché. Mais cette croissance se concentre essentiellement sur les starups devenues PME ou ETI de la tech.

En parallèle, les tensions avec les États-Unis compliquent la donne. Dans ce contexte, le Digital Markets Act (DMA) est présenté comme un levier essentiel pour rééquilibrer la compétition et redonner une marge de manœuvre aux acteurs européens. Oui, oui il y en a pour y croire encore. Vraiment ?

La French Tech en équilibre instable

« Le secteur de l’innovation continue de créer de l’emploi et de la valeur. Mais cette résilience n’est pas infinie. La chute du gouvernement envoie un signal d’incertitude supplémentaire à un secteur qui a besoin de visibilité et de stabilité pour investir, recruter et innover. On ne recrute pas sereinement quand on ne sait pas où l’on va, on ne se développe pas dans la durée quand les règles changent sans cesse.  », alerte Maya Noël, DG de France Digitale.

Dans ce contexte, la Nouvelle-Aquitaine reste l’une des locomotives de l’innovation française, mais avance dans un brouillard épais. Entre emploi florissant et financement exsangue, l’écosystème vit sur un fil. Et si Paris continue de “dérailler”, c’est toute une génération de startups qui pourrait finir hors des rails.

Baromètre EY/France Digitale 2025 disponible ici.

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