Eaux de baignade : la grande tricherie !
Derrière les Pavillons bleus et les classements “excellents”, un rapport de Surfrider révèle les zones d’ombre d’une qualité des eaux de baignade souvent moins idyllique qu’annoncé.
Chaque été, les mairies de Nouvelle-Aquitaine, comme partout en France, brandissent fièrement leurs Pavillons bleus ou autre classement. Carte postale parfaite : sable chaud, vagues dorées, eaux "excellentes". Mais que cachent ces labels ? Un rapport explosif de Surfrider Foundation Europe paru en juin 2025, remet les pendules à l’heure. Oui, nos plages peuvent tricher avec la réalité !
Le mythe du Pavillon bleu
Créé pour valoriser les stations balnéaires, le Pavillon bleu n’évalue qu’un critère de qualité bactériologique, et encore, sur un échantillon limité. "On a trop longtemps cru que ce drapeau garantissait une eau sans danger, ce n’est pas le cas", explique Cendrine Templier, ex-directrice des opérations de Surfrider.
Dès 1997, l’ONG répond par un contre-label : le “Pavillon noir” des eaux de baignade. Ce signal d’alerte, basé sur des données scientifiques et des témoignages, dénonce les plages à haut risque. Résultat : en cinq ans, leur nombre est divisé par deux. Les communes commencent à agir. Celles du Bassin d’Arcachon, elles, préfèrent se retirer du classement Pavillon Bleu !
Nouvelle-Aquitaine : des plages à risque ?
Sur la façade atlantique, de la Charente-Maritime au Pays Basque, les risques sont bien réels.
- Côte Basque : certaines plages de Biarritz, Anglet ou Saint-Jean-de-Luz ferment après les orages, via le système Kalilo. L’eau y reçoit les déversements des réseaux d’assainissement saturés. En 2023, la plage de la Chambre d’Amour a été fermée 5 fois.
- Biarritz : Surfrider a mené des prélèvements avec des surfeurs équipés de capteurs. Verdict : pesticides, hydrocarbures et métaux lourds présents, malgré un classement officiel "excellent".
- Bassin d’Arcachon : L’ensemble des communes se sont retirées du classement Pavillon Bleu ! Pas de classement, pas de mauvaise image ! Reste celui de l’ARS basé sur les 4 dernières années de mesures en saison donc basée sur un historique, pas la réalité du moment. Selon d’autres classements, la plage de La Hume et 3 autres du fond du Bassin sont déconseillées, comme celle du Wharf de la Salie.
- Charente-Maritime : plusieurs plages auraient été "délistées" administrativement entre 2000 et 2010. Cela signifie qu’elles ne sont plus contrôlées et disparaissent des bilans. Façon discrète d’éviter les mauvaises notes.
Des bactéries... et des molécules invisibles
La directive européenne (2006/7/CE) impose des contrôles des eaux de baignade sur deux bactéries : E. coli et entérocoques intestinaux. Mais elle ignore la pollution chimique. Entre 2012 et 2015, Surfrider a analysé plus de 2900 échantillons : 25 % contenaient des molécules toxiques. L’algue Ostreopsis ovata, apparue en Méditerranée, pourrait remonter avec le réchauffement climatique.
Photo @Aqui.Media
De plus en plus de pathologies observées chez les baigneurs ou surfeurs
L’antibiorésistance inquiète aussi : les eaux usées non traitées correctement contiennent des bactéries multirésistantes. Des gastro-entérites ou infections cutanées peuvent survenir après la baignade. Qui le dit clairement ? Personne.
Par exemple : Combien de surfeurs de la vague du Wharf de la Salie, où se rejettent toutes les eaux usées du Bassin d’Arcachon, ont été malades ou victimes d’allergies ? Personne ne vous le dira, car c’est là que les écoles de surf d’Arcachon et de la Teste de Buch emmènent leurs stagiaires !
Le site Vague Toxique publié par une association de professionnels de la santé du Pays-basque recense les pathologies suivantes :
- Affection gastro-intestinale (Maux de ventre, nausées, diarrhées, vomissements...)
- Affection ORL (Sinusites, rhinopharyngites, otites, maux de gorge, perte d'audition, écoulement nasal, nez bouché.)
- Affection cutanée (Plaie infectée, Abcès, Éruptions, Plaques, Démangeaisons, brûlures ...)
- Affection urogénitale (Brûlures, douleurs en urinant, brûlures ou douleurs génitales, écoulements, pertes)
- Affection ophtalmologique (yeux rouges, douleurs oculaires, difficultés à voir, sensation de sable dans les yeux)
- Mal être général (Fièvre, malaise, tête qui tourne, somnolence, perte de mémoire, difficulté à bouger, jaunisse)
Classements rassurants, mais peu réalistes
Les résultats sont publiés en juin, juste avant l’été. On classe alors les eaux sur 4 ans de données, principalement estivales. Or, les pluies les plus polluantes surviennent hors saison. Le public se baigne parfois dans une eau classée "bonne", mais temporairement infectée. Exemple : un orage la veille, un rejet dans la nuit, une baignade le matin… sans alerte.
Contourner la médiocrité : mode d’emploi
Certaines collectivités, plutôt que de réhabiliter leurs réseaux d’assainissement, choisissent de supprimer une plage de la liste officielle. Ce “délistage” évite les obligations de contrôle, d’affichage et d’assainissement. En France, entre 1997 et 2007, 1280 plages ont ainsi disparu des radars. Pratique.
Quelle suite européenne ?
Surfrider milite pour une révision de la Directive. Objectif : inclure les polluants chimiques, étendre les périodes de surveillance, ajouter les zones de pratiques nautiques. En 2020, le "Blue Manifesto" proposait de faire de l’océan une priorité sanitaire et écologique.
"Ce qu’on ne mesure pas officiellement existe quand même", résume un Waterman Tester à Biarritz. Et ce qu’on cache aux citoyens est peut-être ce qui les met en danger.
Sources : Rapport Surfrider 2025, ARS Nouvelle-Aquitaine, Kalilo, IFREMER, Surfrider Bordeaux, Video sur la pollution du Wharf, Vague Toxique
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