Se former à l’IA… ou être licencié ? La leçon brutale d’Accenture
Licenciements Accenture, Workday, Fiverr… L’IA est devenue l’alibi parfait pour masquer restructurations et baisses d’activité. Mais jusqu’où ira ce discours ?

Accenture se sépare de milliers de salariés “dépassés par l’IA”. La presse a embrayé : pas d’IA, pas d’avenir !
Mais la vérité est moins glamour. Accenture traverse surtout une baisse d’activité (merci le DOGE et la perte de contrats gouvernementaux aux US) et engage une restructuration de 865 millions de dollars (source : Reuters). Dans le même temps, le business IA explose. Alors quoi de mieux que de brandir l’argument “intelligence artificielle” pour habiller un plan social bien classique ?
L’IA pour justifier des licenciements, vraiment ?
Le message envoyé est clair : si vous n’êtes pas “AI-ready”, vous êtes dehors.C’est une rhétorique commode : elle permet de donner un vernis moderne et inéluctable à des licenciements qui relèvent surtout de l’arithmétique financière.
Ce storytelling installe l’idée que les sortants ne seraient pas “à niveau”. De quoi minimiser le choc social et dédouaner l’entreprise. Et surtout de servir d'exemple à d’autres pour justifier des réductions d’effectifs liées en réalité à d’autres sujets (perte de contrats dans notre exemple).
Entreprises qui brandissent l’IA pour couvrir leurs plans sociaux
Accenture n’est pas seul. La vague monte :
- Workday (logiciels RH, USA) : 1 750 postes supprimés, en expliquant qu’il fallait “investir dans l’IA et remodeler l’organisation”. Là-aussi, une baisse du business se cache derrière.
- Fiverr (plateforme freelance) : 30 % d’effectifs en moins, avec un virage “AI-first” affiché en vitrine. En réalité le marché s’est contracté.
- Onclusive (France, Courbevoie) : un PSE visant 217 postes, officiellement pour cause de “mutation technologique et IA”. Les syndicats ont crié à l’excuse bidon.
- Même dans les médias, Le Point a justifié la disparition de son service correction par l’arrivée d’outils IA.
Autrement dit : l’IA devient le nouveau joker social.
Une leçon pour les dirigeants et RH
Ce qui se joue, c’est la banalisation d’un discours : “On ne licencie pas parce que le business va mal, mais parce que les salariés n’ont pas su évoluer avec l’IA.”
La tentation est forte que chaque plan social soit désormais maquillé en “adaptation technologique”, au lieu d’assumer la réalité : baisse de revenus, erreurs stratégiques, pression des actionnaires.
“L’IA est bien une rupture. Ne pas se former est rédhibitoire. Mais utiliser l’argument comme bouclier de communication pour masquer des coupes sociales est une pente glissante.” nous confie un DRH d’un grand site e-commerce.
Les responsables des ressources humaines devraient retenir deux choses :
- Oui, les collaborateurs doivent monter en compétences IA, vite.
- Mais non, l’IA n’explique pas tout. Les plans de formation massifs et l’accompagnement social sont indispensables si l’on veut éviter que l’IA devienne le prétexte cynique de chaque restructuration.
Pour les salariés, pourquoi être “IA compatible” devient une assurance-vie ?
Ne pas se former à l’IA est désormais risqué. Mais il faut aussi refuser le discours simpliste qui réduit chaque licenciement à une incapacité d’adaptation.
Il est évident qu’aujourd’hui, se former à l’IA est une assurance-vie professionnelle. Maîtriser le prompt engineering, le data literacy, ou les usages métiers, tout ça n’est plus optionnel. Non, l’IA n’est pas responsable de tous les licenciements. Attention à ne pas tomber dans le piège du discours patronal qui voudrait réduire les exclus du système à des “inadaptés”.
L’IA : vraie rupture ou bouc émissaire ?
Accenture ouvre un précédent dangereux. Les entreprises ont trouvé dans l’IA un nouveau narratif pour justifier l’injustifiable.
Comme nous le rappelons dans notre série “IA : votre futur manager ?”, l’IA va bouleverser les entreprises plus vite que toute autre mutation technologique. Mais ce n’est pas une raison pour en faire un bouc émissaire.
L’histoire nous rappelle ces entreprises qui ont raté le virage e-commerce et accusaient leurs clients de “partir ailleurs”. Aujourd’hui, dirigeants, managers, RH doivent prendre le sujet IA en main, pas seulement en communication.
Michel-Levy Provençal , fondateur de TEDx Paris et de l’agence Brightness, résume très bien l’enjeu : “Embrasser l'IA générative de façon systémique, pas seulement par des expérimentations cosmétiques. Construire une trajectoire claire, par niveaux progressifs, vers ce que j'appelle l'"organisation symbiotique" : une organisation où humains et IA collaborent en synergie, chacun dans sa zone d'excellence.”
FAQ Licenciement et IA
Quelles entreprises ont justifié des licenciements par l’IA ?
Accenture, Workday, Fiverr ou Onclusive ont toutes expliqué leurs suppressions de postes par un repositionnement autour de l’intelligence artificielle.
L’IA peut-elle légalement motiver un plan social en France ?
En droit français, un employeur peut invoquer la “mutation technologique” pour un licenciement économique, mais il doit aussi prouver avoir formé ses salariés.
Comment les salariés peuvent-ils se protéger face à l’argument IA ?
Se former aux outils IA, élargir ses compétences (data, management, stratégie) et valoriser ses savoir-faire humains restent les meilleures assurances-vie.