Économie girondine 2025 : Bordeaux, Arcachon, Libourne...pourquoi le moral des chefs d’entreprise est au plus bas
Bordeaux, Arcachon, Libourne… Pourquoi le moral des chefs d’entreprise girondins s’effondre-t-il ? La Gironde, trop ouverte sur le monde, paie aujourd’hui le prix de son exposition.
Bordeaux exporte, produit, innove… mais doute.
Le moral des dirigeants girondins s’effondre, miné par un climat politique flou et des marchés internationaux grippés.
L’ouverture au monde, jadis un atout, devient une vulnérabilité.
Un climat d’affaires plombé
L’économie girondine encaisse un nouveau coup de froid.
Selon le Baromètre économique T3 2025 publié par la CCI Bordeaux Gironde, les indicateurs clés s’enfoncent dans le rouge : chiffre d’affaires –8 points, carnets de commandes –17 points, trésorerie –2 points.
Résultat : la confiance des dirigeants chute à 59 %, son plus bas niveau depuis la création du baromètre en 2019.
L’instabilité politique, les tensions internationales et la volatilité des droits de douane minent la visibilité des entreprises. Dans ce contexte, les investissements se figent : seuls 16 % des chefs d’entreprise ont investi au 3ᵉ trimestre, et à peine 12 % envisagent de le faire d’ici la fin de l’année.

Tous les secteurs sous tension
Personne n’est épargné.
- Industrie : repli de 16 points, trésoreries asphyxiées malgré une reprise espérée fin 2025.
- Batiment BTP : faibles mises en chantier, marges en berne, confiance écornée.
- Commerce : fréquentation insuffisante, pouvoir d’achat atone, marges laminées.
- Restauration CHR : après un été correct, rechute brutale ; plus d’un dirigeant sur deux craint la faillite.
Sur les neuf premiers mois de l’année, les tribunaux de commerce ont enregistré 1 641 procédures collectives (+ 4 % vs 2024), dont 60 % de liquidations judiciaires. La fragilité du tissu économique est désormais structurelle.
Seule nuance dans ce tableau sombre : les services et une partie de l’industrie s’en sortent un peu mieux.
Les prestataires BtoB, le numérique et le conseil amortissent le choc grâce à une demande locale encore solide.
Et dans l’industrie, quelques signaux de stabilisation apparaissent, notamment dans l’aéronautique et la mécanique.
Pour le reste — commerce, BTP, restauration — la descente continue.
Une économie trop ouverte pour être sereine
La Gironde, premier moteur exportateur de Nouvelle-Aquitaine, paie le prix de sa dépendance aux marchés internationaux. Près de 4 500 entreprises locales, soit 1 sur 5, exportent régulièrement vers des zones aujourd’hui en tension : États-Unis (guerre commerciale), Chine (ralentissement économique), Royaume-Uni (post-Brexit).
« On est pris en étau entre les taxes et l’incertitude », confie Anne-Sophie spécialiste de l'export de grands crus.
- Le vin, premier poste d’export régional (3,3 milliards € en 2024), subit le retour de taxes américaines et asiatiques sur les vins européens. Résultat : – 7 % de ventes sur neuf mois 2025 (source : CIVB).
- L’aéronautique (Airbus Atlantic, Sabena Technics, Daher…) souffre de la hausse des coûts logistiques et des tensions sino-américaines.
- La chimie-pharma reste exposée à la flambée de l’énergie importée et aux intrants venus d’Asie.
L’effet d’ensemble est brutal : carnets de commandes en recul, trésorerie sous pression, marges étouffées.
Ajoutez un climat politique brouillé — remaniements, fiscalité incertaine, PLF 2026 contesté — et le réflexe dominant devient la prudence.
« On a reporté nos investissements depuis 6 mois. On attend de voir comment évoluent les droits de douane. » nous explique un négociant.
La Gironde profite de la mondialisation quand tout va bien ; elle en subit chaque soubresaut quand le vent tourne.
Le commerce girondin en souffrance
Symbole de cette tension : le commerce de proximité. Depuis avril, la Task Force CCI a rencontré plus de 1 600 commerçants dans tout le département.
Dans un contexte inquiétant pour les commerces, leurs priorités sont : la transmission, la digitalisation (il serait temps !), et l'accompagnement administratif.
À Bordeaux, les attentes changent : la sécurité, la propreté de la ville et l'accessibilité des commerces arrivent en tête. Un sujet largement évoqué avec Thomas Cazenave dans son interview.
Moins de flux de clients, moins de pouvoir d'achat, augmentation des charges, la concurrence jugée déloyale d'acteurs étrangers comme Shein ou Amazon : la casse s’installe silencieusement dans les centres-villes.
Un territoire à deux vitesses
La carte économique girondine montre des contrastes nets :
- Bordeaux Métropole concentre 71 % des créations d’entreprises (4 467 au T3), mais son indice de confiance recule encore.
- Arcachon résiste grâce à la saison touristique : 18 % des dirigeants y gardent confiance dans l’économie nationale.
- Libourne et Blaye voient les investissements s’effondrer de 6 points en un trimestre.
Le ralentissement n’est plus une hypothèse : c’est une réalité.
La CCI en première ligne
Face à ce climat morose, la CCI Bordeaux Gironde monte au front.
« Les chefs d’entreprise traversent une période de grande incertitude. Plus que jamais, la CCI est à leurs côtés pour écouter, orienter et agir », assure Patrick Seguin, son président.
Mais l’institution tire aussi la sonnette d’alarme : le PLF 2026 prévoit de nouvelles coupes budgétaires dans les ressources des CCI.
« On nous demande d’en faire plus avec moins », prévient-il.
Relancer la dynamique
La CCI multiplie les rendez-vous pour redonner souffle et visibilité :
- 17 novembre : Commerce Innov’ et Trophées du Commerce Gironde ;
- 22 novembre : Salon de l’Industrie et de l’Emploi (SINE) au Palais de la Bourse ;
- Et dès cette semaine : la 25ᵉ conférence internationale des Great Wine Capitals.
Des initiatives bienvenues, mais insuffisantes pour masquer un constat : la Gironde vit sa pire crise de confiance depuis six ans.
Et pour 2026 ? Trois chemins possibles
La CCI table sur un atterrissage doux, mais rien n’est acquis.
Si la stabilité politique revient et que les taux baissent, la confiance pourrait remonter doucement.
Sinon, la Gironde risque de s’installer dans une stagnation prolongée avec une économie qui tourne, mais sans moteur.